L'association Kokopelli, désavouée par la Cour de justice de l'UE (CJUE) saisie dans l'affaire qui l'opposait à la société Graines Baumaux, a déploré le 13 juillet 2012 un « satisfecit intégral » qui vient d'être donné à la législation européenne sur le commerce des semences.
Le « changement de cap absolu » opéré par la CJUE qui est allé contre l'avis de son avocat général « ne manque pas de nous surprendre et de nous interroger », souligne l'association avec amertume. Selon Kokopelli, la CJUE « justifie l'interdiction du commerce des semences de variétés anciennes par l'objectif, jugé supérieur, d'une “productivité agricole accrue” ! »
« L'expression, utilisée 15 fois dans la décision de la Cour, consacre la toute puissance du paradigme productiviste. Ce même paradigme, qui avait présidé à la rédaction de la législation dans les années soixante, a donc encore toute sa place en 2012. La biodiversité peut donc être valablement sacrifiée sur l'autel de la productivité », fustige l'association.
A propos des dérogations « supposément introduites » par la directive 2009/145 pour les variétés anciennes évoquées par la CJUE, elles ne sont qu'un « véritable leurre » ne permettant pas aux organisations européennes « d'inscrire certaines semences au catalogue officiel.
Kokopelli s'étonne que la biodiversité, « qui a nourri les populations européennes pendant les siècles passés », fasse l'objet de « la plus grande suspicion », la CJUE n'hésitant pas à écrire, de manière « erronée » et « choquante », que la législation permet d'éviter « la mise en terre de semences potentiellement nuisibles », remarque Kokopelli.
« Avec cette décision, les masques tombent », déclare encore Kokopelli, pour qui la CJUE est « au service de l'agriculture chimique mortifère et de son idéologie corruptrice ».
L'association inscrit cette décision dans le contexte de la réforme générale de la législation sur le commerce des semences en cours à Bruxelles. Une procédure « placée sous le haut parrainage de l'industrie semencière », alors que « les associations de sauvegarde de la biodiversité, petits producteurs, paysans et jardiniers passionnés, qui, à travers toute l'Europe, conservent clandestinement plus de variétés oubliées que tout ce que le catalogue des variétés appropriées n'en pourra jamais contenir, n'ont pas été invitées à la table des négociations... »
En première place de ses doléances adressée au gouvernement français, Kokopelli demande à ce que « l'une des collaboratrices du Gnis » (interprofession semencière) dépêchée par le ministère de l'Agriculture auprès de la Commission européenne (DG Sanco), afin de rédiger le projet de loi, soit débarquée de son mandat pour remédier à des « conflits d'intérêts, inadmissibles », qui pourtant « ne semblent choquer personne au niveau des institutions européennes ».
Sur le plan législatif et réglementaire, l'association souhaite que « les semences anciennes et nouvelles appartenant au domaine public et librement reproductibles sortent du champ d'application de la législation sur le commerce des semences ».
« Il n'existe pas de catalogue officiel obligatoire pour les clous et les boulons. Il n'y a pas de raison de soumettre les semences à une procédure préalable de mise sur le marché, comme les pesticides ou les médicaments, pour les cataloguer dans un registre », tempête l'association.
Elle voudrait que soient introduits des « objectifs de qualité et de loyauté dans les échanges commerciaux ». Selon elle, ils « peuvent être aisément atteints par un règlement de base fixant des critères minimaux en termes de qualité sanitaire, faculté germinative, pureté variétale et pureté spécifique ».
Lire également :
- Semences anciennes/Affaire Kokopelli : les défenseurs des semences paysannes désavoués réagissent (16 juillet 2012)
- L'intégralité du communiqué de Kokopelli sur leur site internet