Les producteurs de fruits et légumes vont devoir rembourser une partie des centaines de millions d'euros d'aides versées par l'Etat français entre 1992 et 2002, conformément à une exigence de Bruxelles, a indiqué lundi le ministre de l'Agriculture Bruno Le Maire, sans fournir de montant.
«Il est certain que nous devrons engager une procédure de remboursements auprès des producteurs», explique M. Le Maire dans un entretien au Parisien.
La Commission européenne a demandé fin janvier à la France de récupérer les aides publiques versées pendant dix ans à ses producteurs de fruits et légumes, estimant qu'elles avaient faussé la concurrence dans l'UE.
Selon le gouvernement, la facture totale réclamée par Bruxelles serait en fait de l'ordre de 500 millions d'euros, en comptant les intérêts. Mais les producteurs «rembourseront moins de 500 millions d'euros», a affirmé le ministre qui conteste ce montant. Son prédécesseur Michel Barnier avait d'ailleurs déposé un recours en ce sens début avril devant la Cour de justice européenne.
La question du recouvrement est d'autant plus délicate que de nombreux exploitants ont abandonné leur activité, certains sont décédés et d'autres sont dans l'incapacité de payer vu le contexte économique. Le ministre a assuré en tous les cas qu'il n'y aurait «pas de recouvrement effectif avant plusieurs mois».
La Commission avait donné à la France jusqu'au 29 juillet pour répondre à sa demande, selon le ministre. «En l'absence de réponse, on se serait exposé à des astreintes de l'ordre de plusieurs millions d'euros par trimestre», a-t-il expliqué.
«S'il y a une urgence, c'est bien d'aider les producteurs qui traversent une nouvelle crise catastrophique», s'est insurgé Jean-Michel Lemétayer, président de la FNSEA.
«Personne ne remboursera ces subventions. Nous n'en avons pas les moyens, sauf à saigner et faire disparaître les deux tiers de la filière», a renchéri François Lafitte, président de la Fédération des comités économiques (Fédécom) qui représente les organisations professionnelles de producteurs ayant touché ces aides. Comme le gouvernement, la Fédécom conteste le montant réclamé par Bruxelles et a déposé en juin un recours devant la cour de justice.
M. Lafitte reproche aussi à l'Etat de s'être mis dans une «situation illégale» en ayant omis de notifier ces aides à la Commission, une «omission» qui «se retourne contre l'Etat, mais aussi contre les producteurs qui ne sont pas responsables».
Selon lui, Bruxelles «était tout à fait au courant du mécanisme français» et a laissé faire «pour ne pas mettre le feu aux campagnes», alors que la filière se réduit comme peau de chagrin depuis plusieurs dizaines d'années.
«Nous ne resterons pas les bras croisés», a promis M. Lafitte qui a été averti le 16 juillet lors d'une réunion au ministère de l'Agriculture du prochain lancement des procédures de remboursement.
Pour la Confédération paysanne, «il est inadmissible que les producteurs de fruits et légumes soient pris pour responsables des erreurs de l'Etat français qui a indûment attribué des aides de 1992 à 2002».
«Les producteurs de fruits et légumes n'ont jamais eu le loisir de gérer les financements de l'Etat, ce n'est donc pas aux producteurs qu'il revient de réparer les pots cassés», argumente le syndicat.
De son côté, la Coordination Rurale considère qu’il est «hors de question que les producteurs fassent les frais, même de manière partielle, des inconséquences des politiques agricoles française et européenne».
«Celles-ci sont incapables depuis des années d'organiser correctement la production et le marché des fruits et légumes et elles prétendent corriger cette incapacité par des palliatifs souvent coûteux et inefficaces qui ne permettent pas de maintenir un revenu décent pour les producteurs», ajoute le syndicat.
Quand au Modef, il refuse «quelque remboursement que ce soit par les producteurs, mais de plus, il somme le gouvernement français et son ministre de l’Agriculture de renvoyer la Commission Européenne à "ses chères études" (...)».
Les fonds contestés sont des aides octroyées par la France entre 1992 et 2002 pour des «plans de campagne». Concrètement, des fonds publics payés par l'Office national interprofessionnel des fruits, des légumes et de l'horticulture pour financer des actions destinées à faire face à des situations de crise dans le marché des fruits et légumes.
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