Publié le jeudi 19 mars 2015 - 18h30
Juristes ruralistes, urbanistes, géographes, chercheurs de l'Inra, représentants de la Safer, conseillers d'entreprise, économistes, élus... L'institut de droit rural de Poitiers a réussi le tour de force de réunir tous ces spécialistes dans un même colloque, du 19 au 20 mars, pour analyser l'évolution des liens entre ville et agriculture.
Au coeur de leurs travaux : les nouvelles relations juridiques à mettre en place pour « créer des ponts entre ces deux univers qu'un demi-siècle a dynamité », selon la formule de Benoit Grimonprez, maître de conférence à l'université de Poitiers.
Nouveaux partenariats
« L'essor de l'agriculture dépend de sa capacité à tisser sa toile économique dans les cités, a assuré ce dernier. Après la conquête de l'espace, celle des marchés urbains! » En toile de fond : le développement des circuits courts, mais pas seulement.
« Les agriculteurs sont en mesure d'apporter d'autres services à la ville que la distribution alimentaire : entretien des paysage, recyclage des déchets urbains (boues d'épandage...), méthanisation... Tout cela appelle des partenariats nouveaux! »
« Si la question de l'agriculture périurbaine n'est pas devenue un sujet de société lors des cinquante dernières années, c'est qu'elle est difficile à poser », a lancé à cette occasion Serge Bonnefoy, de l'association Terre en villes, invitant les juristes à « sortir des cadres pour s'en emparer ». Tel est bien l'objectif de ce colloque, selon Denis Rochard, directeur de l'Institut de droit rural : « dépasser les horizons culturels ».
Echec des politiques urbaines
Cette ambition est bienvenue au regard des constats posés par les intervenant. En particulier en ce qui concerne l'adaptation du droit de l'urbanisme, censé encadré la répartition des espaces agricoles, naturels et urbains, « mais qui ignore les relations agriculture/ville ».
Conséquence de cette déconnection sur la protection des sols : « un empilement des textes, sans effets réels », selon Isabelle Savarit-Bourgeois, spécialiste de la matière. Outre les difficultés liées aux documents d'urbanisme, celle-ci a particulièrement souligné l'échec d'outils dédiés tels que les périmètres de protection des espaces agricoles et naturels (PEAN).
Un outil pourtant formidable, à en croire les intervenants. Mais en dix ans, seulement une vingtaine auraient été créés. Trop compliqué à mettre en oeuvre dans les départements, trop contraignant pour les communes... « A un certain degré de complexité des normes, celles-ci produisent un effet inverse à celui escompté », a expliqué Hubert Bosse-Platière, professeur à l'université de Dijon.
Ce dernier a proposé d'actionner d'autres outils de droit privé, comme des incitations fiscales en faveur de servitudes, pour « protéger l'espace en quelque main que passe l'immeuble ». Ou bien d'aggraver les sanctions à l'encontre des propriétaires qui reprennent leur bien pour construire, mais qui n'en font rien.
Il a, par ailleurs, souhaité une clarification des rôles entre la Safer et les Etablissements publics fonciers (EPF). « On attend depuis 2006 un arrêté conjoint des ministères de l'Agriculture et des Finances fixant les modalités d'intervention des Safer dans le périmètre des PEL », a-t-il rappelé. Autant de pistes qui pourraient inspirer le législateur...
Agriculture urbaine
Voilà pour la question du débordement des villes sur les champs. Mais qu'en est-il lorsque c'est l'agriculture qui s'invite dans les cités ? Des jardins partagés aux serres sur les toits, en passant par les essais de « fermes verticales », ce phénomène nouveau, dont personne ne maîtrise encore les conséquences, pose des colles en matière de qualification juridique, de troubles de voisinage ou de conséquences environnementales.
Comment le citadin réagira-t-il au développement de potagers ou de poulaillers sous sa fenêtre ou au-dessus de ses appartements ? Les querelles de campagnes risquent là de prendre une autre ampleur. « Etonnamment, le droit ne s'intéresse pas particulièrement à l'incidence des pollutions des villes sur les productions agricoles », a relevé Carole Hermon, de l'université de Toulouse...
Cette première journée de colloque s'est conclue sur une table ronde mettant en lumière diverses expériences d'agriculture urbaine, dont la « reconquête » d'une friche urbaine pour y faire vivre une ferme, près de Versailles. Une nouvelle facette des rapports entre agriculture et ville, qui pourrait faire des émules. A condition d'accepter de défricher, nettoyer, préparer les sols, comme l'a indiqué Alexis Lefebvre, de l'association « Le vivant et la ville ».
La seconde journée permettra aux intervenants de poursuivre l'exploration des services que l'agriculture peut rendre aux villes, des projets énergétiques aux circuits alternatifs de distribution. « Des rapports à cultiver », selon les organisateurs.
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