La pêche rituelle des étangs de la Brenne

Petit matin brumeux de la fin d'octobre. Une vingtaine de pêcheurs, cuissardes kaki, tabliers et cirés pour les plus équipés, simples bottes et vieux pantalons pour les autres, se préparent à une pêche annuelle.

Autour des propriétaires du petit étang des Loges, à Rosnay, et de l'acheteur, voisins et amis se sont rassemblés pour donner un coup de main, comme le veut la tradition.

La plupart des étangs du parc naturel régional de la Brenne sont privés. Dans celui-ci, presque vidé jusqu'à la pêcherie (1), les hommes ont installé deux filets qui retiennent prisonniers des centaines de poissons.

De l'eau jusqu'aux cuisses, les plus costauds tirent le premier filet à larges mailles. L'un d'eux charge dans sa filanche (petit filet en forme de demi-lune) les grosses proies avant de les verser dans des bacs, direction la table de tri.

Les trieurs séparent les poissons : les grosses carpes d'un côté, de l'autre quatre bacs pour les perches, les tanches, les brochets et d'autres carpes, énormes, chargées d'œufs, destinées à la reproduction.

« Les cormorans ont dû encore se servir, il nous manque des poissons ! », se plaint le propriétaire, qui évalue les prises d'après le nombre de carpes de deux ans mises dans l'étang l'an dernier.

Véritable bête noire des pêcheurs, l'oiseau qui se nourrit de 500 g de poisson par jour s'est beaucoup développé depuis vingt ans. Autour du café chaud tiré des thermos, le pisciculteur raconte : « On n'est plus très nombreux en Brenne. Hormis le pillage des cormorans, nous subissons une rude concurrence des pays de l'Est et les mêmes prix depuis vingt ans ! »

L'équipe retourne à la pêche. On resserre le second filet, à fines mailles cette fois. Des centaines de petits poissons argentés frétillent de la filanche aux bacs. Il faut faire vite et éliminer les perches arc-en-ciel et les écrevisses d'Amérique indésirables, avant de peser et emporter le tout jusqu'aux camions-citernes remplis d'eau.

Le pisciculteur les acheminera ensuite vers des bassins avant de les vendre en Alsace et en Allemagne. Le rythme s'accélère, on pèse plusieurs caisses pour remettre à l'eau le « fonds de pêche » qui rempoissonnera l'étang. Une barque au fond percé sert de réceptacle pour quelques beaux poissons offerts en guise de cadeaux à ceux qui sont venus prêter main-forte.

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(1) Sorte de bassin en demi-cercle utilisé pour regrouper les poissons avant de les pêcher au filet près de la bonde de l'étang.

par Marie Remande

(publié le 28 octobre 2011)