Sylvie Brunel, géographe-économiste, spécialiste des questions de développement et professeur à Paris IV-Sorbonne s’exprimait le 4 juin 2010 devant les éleveurs du contrôle laitier de la Bretagne.
« L’agriculture est à la fois le problème et la solution du développement durable. Bizarrement après l’effondrement du mur de Berlin, l’homme serait devenu le nouvel ennemi pour beaucoup d’écologistes : il y a d’un côté la nature porteuse d’équilibre et de l’autre l’homme vu comme un parasite, qui proliférerait. »
« Le but de beaucoup d’écologistes est d’empêcher le côté négatif de l’activité humaine. Ils passent allègrement de l’agriculture solution à l’agriculture pollution. Ils ont trop souvent une vision régressive et élitiste de la situation mondiale. »
« On oublie que juste après la guerre on avait encore faim. On oublie que dans les pays en voie de développement les agriculteurs, malnutris, soumis à l’insécurité des prix, veulent quitter la campagne. »
« Cette attitude fait fi de la réalité des pays du Sud qui veulent consommer davantage de produits de qualité. »
« Sur un milliard de malnutris, les trois quarts sont des ruraux. Le bio, c’est bien s'il existe un marché pour une nourriture plus chère. Mais toutes les agricultures sont nécessaires pour s'adapter au territoire, au climat, à la filière et aux hommes. »
« Une révolution attend les agriculteurs qui vont produire autant et mieux. Mais ils doivent reprendre l’offensive face à cette religion de la planète, face au catéchisme écolo-régressif et élitiste. La nature, c’est eux qui la fabriquent. Les paysages ont été façonnés par les sociétés agraires. Sans l’homme la nature n’est pas bienveillante. »
« Tous les pays comptent sur la satisfaction de leurs besoins alimentaires. Or, si les agriculteurs ne sont pas rémunérés, ils quitteront l’agriculture et la nature redeviendra à l’état de rien du tout. »
« Reprenez la parole pour devenir les "hérauts" du développement durable : il y a aujourd’hui dans le monde 20 millions de kilomètres carrés protégés, interdits aux agriculteurs et éleveurs. Mais l’activité productive peut aussi être préservatrice de l’environnement. »
« La dissociation entre l'agriculture et l’environnement est fausse. Dites que l’environnement est important mais que vous avez la réponse. »
« Fait-on une belle planète pour l’ours et le loup ? N’oublions pas que 60 % de la planète, ce sont des agriculteurs. N’hésitez pas à raconter des histoires aux urbains mais sans cacher la poussière sous le tapis. Vous avez des arguments : l’espérance de vie a augmenté mais aussi la qualité de la fin de vie. »