Le Parlement européen s'est prononcé mercredi en faveur de la limitation de la production de certains biocarburants aux effets pervers de plus en plus critiqués.
Après les avoir encouragés, l'UE veut désormais mettre un coup de frein aux biocarburants, dont le développement contribue à la disparition de cultures vivrières et à la déforestation. Elle souhaite en revanche favoriser les biocarburants de nouvelle génération, fabriqués à partir d'algues ou de déchets par exemple, et qui ne concurrencent pas les cultures alimentaires.
Après plusieurs mois de rudes négociations entre les groupes politiques, le texte voté le mercredi 11 septembre 2013 à Strasbourg demande de fixer à 6 % – au lieu de 10 % jusqu'ici – la part maximale des biocarburants de première génération (produits à partir de céréales ou de diverses plantes sucrières et oléagineuses notamment) dans la consommation finale d'énergie dans les transports. Le texte fixe parallèlement un objectif de 2,5 % à atteindre pour les biocarburants avancés, jugés plus vertueux.
Il introduit également une notion controversée, le changement d'affectation des sols (dit facteur Casi ou Iluc) : il s'agit de la prise en compte, à partir de 2020, dans le calcul des émissions de gaz à effet de serre des différents biocarburants, des conséquences de l'utilisation croissante de terres agricoles. Ce facteur Casi, dont la pertinence scientifique est contestée par certains industriels, aura pour conséquence de réduire l'avantage environnemental affiché par certains biocarburants.
La députée libérale Corinne Lepage, rapporteure du texte, n'a en revanche pas obtenu le mandat de négociation qu'elle demandait au Parlement pour trouver un accord rapide avec les Etats membres sur ces nouvelles règles. « Cela aurait permis d'avoir un texte avant la fin de la mandature, mais là il n'y en aura pas avant 2015 », a expliqué l'ancienne ministre française de l'Ecologie. Elle a estimé que les conservateurs du PPE, en votant contre un tel mandat, avaient choisi de retarder le processus législatif pour satisfaire un « petit conglomérat d'intérêts » industriels hostiles au texte. « Cela fera très plaisir à ceux qui touchent des subventions indues et aux producteurs d'huile de palme », a-t-elle ajouté, déplorant la pression des lobbies.
Des ONG ont fait part de leur déception après un vote jugé timide et trop favorable à l'industrie. Le développement des biocarburants va « continuer de provoquer des hausses des prix des aliments, la déforestation et le changement climatique », a estimé Robbie Blake au nom de Amis de la Terre, dans un communiqué. « Le vote d'aujourd'hui est un aveu d'échec des politiques face aux lobbies industriels », a déploré Clara Jamart, d'Oxfam France, tandis que Greenpeace dénonçait un vote « incohérent ».
Selon la Banque mondiale, les biocarburants représentent entre 21 % et un tiers des surfaces acquises dans les pays en développement. Le rapporteur spécial des Nations unies sur le droit à l'alimentation, Olivier De Schutter, a même invité l'Europe et les Etats-Unis à « avoir le courage politique de les abandonner ».