Commander depuis son canapé ses courses alimentaires avant de se les faire livrer chez soi : l'idée séduit certains consommateurs, soucieux de la qualité de leur alimentation et de gain de temps. Pourtant, ce modèle se révèle un casse-tête pour les distributeurs, qui peinent à le rendre rentable.
Le e-commerce alimentaire ne dépasse guère aujourd'hui les 1 à 2 % de l'ensemble des ventes en ligne. Pourtant, selon une enquête du Boston Consulting Group, le potentiel de développement de ce secteur existe, citant les exemples de success stories anglo-saxonnes (Ocado au Royaume-Uni, Fresh Direct aux Etats-Unis) comme preuve de l'intérêt des consommateurs.
Selon le baromètre Fevad-Mediametrie, 24 % des internautes français ont effectué un achat alimentaire en ligne cette année, soit 3 points de plus que l'an dernier. Et ce, alors que l'offre reste actuellement relativement limitée dans l'Hexagone.
La grande distribution a privilégié le drive
Après avoir tenté diverses initiatives, dont certaines ont depuis fait faillite (Telemarket) ou étaient fortement réduites du fait d'écarts de prix jugés rédhibitoires par les consommateurs, la grande distribution a préféré se développer sur le e-commerce alimentaire quasi uniquement via le drive, permettant la commande en ligne et le retrait des marchandises sur le parking des hypermarchés.
Ce système, qui rencontre un grand succès, enlève cependant un des attraits d'internet : le consommateur est obligé de prendre sa voiture pour aller au magasin. Sans compter que ce modèle exclut de fait les clientèles des grandes agglomérations, et que la question de la cannibalisation des ventes physiques se pose encore.
Les circuits courts ont un créneau
C'est pourquoi d'autres acteurs, plus petits, ont choisi de se lancer uniquement sur internet, en privilégiant la livraison à domicile et se focalisant sur un créneau porteur à forte valeur ajoutée : celui des produits frais sur un modèle de circuit court (voir également notre dossier), particulièrement prisé des consommateurs en quête de « bien manger ».
Avec à la clé, des progressions de ventes annuelles de l'ordre de 50 % pour certains, comme Mon-marché.fr ou Carredeboeuf.fr, preuve selon eux que la clientèle peut être au rendez-vous.
Malgré tout, « on reste sur des marchés de niche. Les chiffres d'affaires de ces startups ne dépassent guère ceux d'un gros hyper de province. Or, ils ont à faire face à des gros coûts de structure concernant notamment la logistique et la livraison », explique Rodolphe Bonnasse, expert consommation chez Ca Com.
« Faire au lien de faire faire »
Pour dégager des bénéfices, il leur faut donc limiter les coûts au maximum. « Le premier secret de non-faillite dans ce secteur, c'est de faire au lieu de faire faire », explique Renaud Paquin, PDG de Mon-marché.fr.
Découpe, conditionnement, services après-vente, tout est fait en interne, depuis Rungis, pour éviter de faire appel à de coûteux sous-traitants, détaille-t-il. Un système également adopté par Carredeboeuf.fr, qui centralise tout à Chartres.
Autre point clé du marché : la livraison et le fameux « coût du dernier kilomètre », souvent répercuté sur le consommateur, dissuadant une partie des acheteurs. Pour y répondre, en plus d'internaliser, « il faut densifier les livraisons » et là, avoir une clientèle à 75 % parisienne est un avantage, et permet de proposer des livraisons gratuites à partir de 45 euros, explique M. Paquin.
Le fait d'être un acteur plus modeste en taille peut également s'avérer utile avec les fournisseurs. « On est au même niveau, il n'y pas de chantage du gros sur le petit, cela nous aide à développer un échange collaboratif plutôt que de simples négociations commerciales, ce qui permet de garder des prix raisonnables, en moyenne 8 % moins chers que ceux des marchés de quartier », souligne le dirigeant.
Des clients plus exigeants
Par ailleurs, la connaissance et la satisfaction du client sont essentielles. « Il faut être ultra-réactifs et faire quasi du sur-mesure. Les consommateurs qui achètent des produits frais sur internet sont par nature méfiants, car ils ne peuvent ni voir ni toucher les produits avant d'acheter. Cela les rend forcément plus exigeants, d'où la nécessité de ne pas être déceptif », explique le dirigeant.
Mais pour quelques réussites, le modèle a également vu beaucoup d'acteurs renoncer (Hellofresh.fr) ou être rachetés (Tousprimeurs.fr), faute de rentabilité.
Pourtant et malgré ces difficultés, les rumeurs d'arrivée sur le marché français du géant américain Amazon Fresh sur ce segment des produits frais sur internet « pourraient relancer les initiatives » dans les prochains mois, estime Rodolphe Bonnasse.