Un éleveur normand, persuadé qu'une ligne à très haute tension (THT) rend ses vaches malades, a demandé jeudi au juge des référés de Coutances d'ordonner à RTE, la filiale d'EDF gérant le réseau, de financer le déplacement de son exploitation. La décision a été mise en délibéré au 21 juin 2012.
Dominique Vauprès, qui élève 60 vaches à Montgothier (Manche), demande 705.000 euros de provisions pour financer le déplacement de son exploitation (actuellement à 300 mètres d'un pylône THT), et plus de 400.000 euros d'indemnisation de pertes d'exploitation qu'il attribue à la présence de cette ligne. M. Vauprès fait état de 150 à 200 mammites (inflammations des mamelles) par an, contre 20 à 30 normalement pour une exploitation de cette taille, ce qui l'oblige à jeter une partie de son lait.
« RTE a déjà payé plus de 80.000 euros de travaux et 140.000 euros de charges d'exploitation pour 2007 et 2008. C'est un aveu. Il y a bien un lien de causalité entre les dommages subis et la ligne », a estimé l'avocat de l'exploitant, Me Gervais Marie-Doutressoulle.
Pour la filiale d'EDF, « il ne s'agit pas d'une reconnaissance de responsabilité » car elle « ne pense pas qu'elle soit à l'origine des dysfonctionnements », a répondu Me Frédéric Scanvic, l'avocat de RTE. RTE a une mission de service public comme « l'amélioration de l'acceptabilité de la ligne », a-t-il ajouté.
En mai 2011, la Cour de cassation avait confirmé un arrêt de la cour d'appel de Limoges cassant la seule décision de justice donnant raison à un agriculteur contre RTE dans un dossier similaire, rendue par le juge de l'expropriation de Tulle en 2009.
Le juge de l'expropriation de Caen a depuis examiné, en mars 2012, le cas d'un autre éleveur, Gilles Hébert, installé à 150 mètres d'une ligne THT dans le Calvados, et il a ordonné une double expertise électrique et sanitaire.
Contrairement à M. Hébert, M. Vauprès a signé une convention entre 2008 et 2010 avec le Groupe permanent de sécurité électrique (GPSE) dans les élevages agricoles créé en 1999 par EDF et le ministère de l'Agriculture. Malgré les travaux électriques effectués par RTE sur l'exploitation dans ce cadre, les problèmes de mammites persistent, a affirmé M. Doutressoulle.
Ces procès interviennent alors qu'une THT de 163 km est en construction dans la Manche, la Mayenne, le Calvados et l'Ille-et-Vilaine.
Le vice-président (Europe Ecologie-Les Verts) du conseil régional de la Basse-Normandie, François Dufour, va demander au ministre de l'Agriculture d'intervenir face aux difficultés rencontrées par certains éleveurs installés près de lignes THT, a-t-il indiqué mercredi.
« L'Etat doit se préoccuper de cette situation. Car, dans plusieurs exploitations, les interventions techniques opérées par RTE n'ont rien donné. Il faut déplacer les lieux de traite », estime l'ancien leader de la Confédération paysanne, qui a dit préparer un courrier au ministre de l'Agriculture.
François Dufour se dit « d'autant plus inquiet que, depuis le 1er janvier, les normes ont changé. Désormais, si le taux de leucocytes dans le lait est trop élevé, la collecte peut être refusée au bout de trois mois, alors qu'avant l'éleveur avait six mois pour le faire baisser », en faisant paître ses vaches dans un champ plus éloigné des pylônes, a expliqué M. Dufour, lui-même exploitant.
Les détracteurs des THT sont convaincus que ces lignes peuvent créer un stress chez les animaux, ce qui peut entraîner une hausse du taux de leucocytes. RTE répond que les difficultés rencontrées par les éleveurs ne sont pas dues aux lignes THT.
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