Le monde du négoce des matières premières agricoles, déjà dominé par quelques grands groupes, est de nouveau agité par d'importantes acquisitions, l'appétit des géants étant aiguisé par la volatilité des cours et la demande asiatique.
Parmi les mouvements les plus importants, le suisse Glencore vient de mettre la main sur le canadien Viterra et le japonais Marubeni a repris, le 29 mai 2012, Gavilon, le troisième négociant de céréales américain, derrière Archer Daniels Midland (ADM) et Cargill.
« Ce qui frappe, dans ces nouveaux accords, c'est que les groupes sont prêts à payer très cher », souligne Joséphine Hicter, analyste pour la société Oaks Field Partners. « Toutefois, ils peuvent se permettre de payer cher car c'est finalement un pari gagné d'avance. Il y a une telle pression aujourd'hui sur les prix, sur l'équilibre offre-demande, que les groupes prennent peu de risques », ajoute-t-elle.
Glencore a ainsi accepté de payer une prime de 48 % pour s'emparer de Viterra, très implanté au Canada et en Australie, alors que d'autres poids lourds du secteur comme ADM et Bunge étaient également sur les rangs.
Derrière ces manœuvres, un objectif important : répondre à l'appétit des pays émergents et notamment asiatiques. « En tant que membre d'une plus grande organisation de négoce, nous serons mieux positionnés pour répondre efficacement à la demande mondiale globale », commente Greg Heckman, le PDG de Gavilon, après l'accord avec Marubeni.
« Après des années de sous-investissement dans le secteur, on réalise que les pays émergents continueront à avoir une demande forte et donc le cycle est parti pour durer au moins encore 10ans. Même si la croissance chinoise ralentit, la demande en matières premières agricoles ne freine pas autant », estime Jérôme Vinerier, stratégiste d'IGMarkets.
Clé incontestable de la plupart des marchés de matières premières, la Chine importe en effet de plus en plus pour nourrir sa population mais également aussi ses élevages, toujours plus nombreux.
Dans ce secteur dominé par le « club ABCD » (ADM, Bunge, Cargill et Dreyfus Commodities), les groupes cherchent à multiplier leurs sources d'approvisionnement pour sécuriser leurs disponibilités. « Les matières premières agricoles sont de plus en plus considérées comme des actifs stratégiques et les grands groupes veulent investir sur toute la chaîne », juge Ralf Oberbannscheidt, gérant du fonds DWS Invest Global AgriBusiness.
Avoir des marchandises partout dans le monde permet de fidéliser une clientèle, puisqu'en étant sur le terrain, ils seront incontournables, estime Clément Gautier, de la société Horizon.
Les groupes s'assurent par ailleurs de pouvoir faire des affaires dans des pays parfois difficiles d'accès. « Ces types d'opération sont également faits pour s'affranchir des politiques des gouvernements. Dans certains pays, comme l'Ukraine, qui a des règles d'exportation et de gros problèmes d'opacité, avoir des relais sur place, des usines, permet de s'affranchir de certaines barrières instaurées », ajoute Joséphine Hicter.