Personne ne traite ses champs par plaisir. Mais quand on n'est pas mécanisé, on est d'autant plus soulagé de pouvoir éviter cette corvée. C'est pourquoi Karim Traoré, producteur de coton Bt au Burkina Faso, ne retournerait aux variétés conventionnelles pour rien au monde. A moins qu'on trouve mieux que les OGM, précise-t-il.
Lorsque les producteurs de coton burkinabés se sont trouvés confrontés à des problèmes de chenilles résistantes aux insecticides, à partir de 1997-98, le gouvernement ne les a pas tout de suite pris au sérieux, raconte Karim Traoré, qui est aussi président de l'Union nationale des producteurs de coton.
« Parce que nous sommes pratiquement tous illettrés, il était difficile de défendre notre position devant le gouvernement. Celui-ci nous a accusés de ne pas savoir nous occuper correctement de nos parcelles. » Et il a mis sur le compte de cette pseudo-ignorance des pertes allant jusqu'à 60 % de la récolte...
Les cotonniers ont alors envisagé une démonstration en direct. Sous les yeux des hauts-fonctionnaires, ils ont versé de l'insecticide sur des chenilles ramassées dans les champs... et ces dernières ne s'en sont pas plus mal portées.
De 2000 à 2003, des recherches sur le coton Bt ont été menées dans le pays. « Nous ne voulions pas être dépendants de la semence américaine. Donc, Monsanto a été obligé de travailler avec des semences locales », précise Karim Traoré.
En 2007, des expérimentations au champ ont été menées chez une vingtaine de paysans. La surface a été portée à 140.000 ha l'année suivante, pour atteindre 400.000 ha en 2010.
« Si aujourd'hui, nous sommes devenus les premiers producteurs de coton, c'est parce que les agriculteurs burkinabés ont eu le courage d'aller dans le coton Bt », affirme Karim Traoré. Et selon lui, le gain est inestimable.
« Avant, on ne dormait plus dès qu'on avait semé le coton car on se demandait quand les parasites allaient arriver », raconte-t-il. Les producteurs évitent aussi, désormais, les déplacements à pied pour traiter. « Moi, avec 30 ha, je faisais en tout 1.200 km par an en portant les produits de traitement ! Et quand on traite manuellement, on ne maîtrise pas le vent. Il y a le danger pour la santé, et l'odeur qui persiste pendant deux jours. » A ces avantages pratiques s'ajoute encore, selon Karim Traoré, le gain économique dû à de moindres pertes et à une meilleure qualité.
Et s'il admet que « le risque zéro n'existe pas », il regrette la position frileuse de la France. Car « quand la France est bonne scientifiquement et techniquement, ce sont tous les pays francophones qui en bénéficient », assure-t-il.