« Je crois que nous allons dans la bonne direction », a déclaré le ministre chypriote de l'Agriculture, Sofoclis Aletraris, à l'issue du conseil européen du 24 septembre 2012, au sujet de la réforme de la Pac. Une appréciation optimiste de la présidence de l'UE alors que cette réunion était consacrée au développement rural, en particulier à la définition des zones défavorisées, et à la régulation des marchés. Deux thématiques sensibles pour les Etats membres...
Les ministres ont consacré l'essentiel de leur débat aux zones défavorisées « intermédiaires », dont la Commission européenne propose une nouvelle définition pour que le régime d'aides en faveur des exploitations de ces zones soit « plus juste » (il avait été pointé du doigt par la Cour des comptes en 2003).
L'objectif de ce dispositif est de permettre le maintien de l'activité agricole et la préservation de l'espace naturel dans les zones de montagne, les zones défavorisées autres que les zones de montagne (dites « intermédiaires » ou désormais « zones soumises à des contraintes naturelles importantes ») et les zones pénalisées par des handicaps spécifiques.
La négociation entre les 27 patine depuis 2005. La Commission souhaite une délimitation objective, transparente et commune à tous les Etats membres. Cette délimitation se fonderait sur huit critères biophysiques assortis de seuils (températures basses ; sécheresse ; excès d'humidité des sols ; drainage des sols limité ; texture et piérosité défavorables ; faible profondeur d'enracinement ; propriétés chimiques médiocres ; pente forte).
Afin de bénéficier des paiements au titre de cette catégorie, au moins 66 % de la SAU de ces zones devraient remplir au moins l'un de ces huit critères à la valeur seuil indiquée. Tous les Etats membres devraient procéder à un exercice d'affinement fondé sur des critères objectifs, afin d'exclure les zones dans lesquelles des contraintes naturelles importantes ont été surmontées par des investissements ou par l'activité économique. Un casse-tête pour les Etats membres et un enjeu énorme en matière d'enveloppe budgétaire.
Si, à l'issue du conseil agricole européen, la plupart des pays ont approuvé la délimitation de ces nouvelles « zones soumises à des contraintes naturelles importantes » sur la base des critères biophysiques proposés par la Commission européenne, ils restent néanmoins attachés à un dispositif flexible dans l'application des critères à l'échelle nationale ou régionale, en particulier concernant les zones identifiées comme ayant surmonté par des investissements ou par l'activité économique leur handicap naturel. Pour l'instant, ils se sont surtout mis d'accord sur un prolongement de la période de transition jusqu'en 2015.
Sur la gestion des marchés, dans le cadre de l'OCM unique, les 27 estiment dans l'ensemble que le filet de sécurité préconisé par Bruxelles est acceptable (intervention publique, stockage privé, mesures exceptionnelles et restitutions à l'exportation). En revanche, la proposition de maintien des prix de référence (à partir desquels les instruments de marché sont activés) à leur niveau actuel divise toujours. « Les agriculteurs doivent fonder leurs décisions sur le marché et non sur le prix de référence. Ce dernier est destiné à soutenir le marché ou à en corriger les dérapages, et non pas le diriger », a une nouvelle fois argumenté Dacian Ciolos, le commissaire européen à l'Agriculture.
Mais nombre de pays, dont la France, l'Espagne, la Pologne et la Belgique, plaident pour l'introduction d'un mécanisme d'actualisation périodique des prix de référence afin de prendre en compte la hausse des coûts de production, notamment dans des secteurs sensibles comme les productions animales. Alors qu'un « plus petit groupe de pays », composé notamment du Royaume-Uni, de l'Allemagne, de l'Italie, du Danemark et de la Suède, se range à l'avis de la Commission et souhaite les laisser à leur niveau actuel afin de limiter les dépenses et que les mesures de marché ne deviennent pas une forme déguisée de soutiens directs aux agriculteurs.