Treize ans après les premières plaintes, l'enquête pénale sur la commercialisation par le groupe Bayer du Gaucho et ses conséquences pour les abeilles s'est soldée par un non-lieu, alors que le pesticide fait désormais l'objet de restrictions en Europe.
L'information judiciaire, ouverte en 2001, en pleine polémique sur ce pesticide, portait notamment sur des faits éventuels de tromperie, escroquerie et de destruction du bien d'autrui, en l'occurrence le cheptel apicole. Le groupe Bayer n'avait pas été mis en examen mais placé sous le statut de témoin assisté.
Dans son ordonnance de non-lieu, consultée par l'AFP, le juge d'instruction relève notamment que « la communauté scientifique n'a pas démontré l'existence d'un lien de causalité entre l'introduction du Gaucho dans les cultures agricoles et l'augmentation de la mortalité des abeilles ». Dans ce contexte, « appréhender les troubles du cheptel apicole sous l'angle pénal apparaît d'emblée malaisé », ajoute-t-il, en soulignant les autres facteurs qui interviennent dans la mortalité des abeilles, comme le varroa par exemple.
En France, l'autorisation du Gaucho a été retirée en 1999 pour le tournesol et en 2004 pour le maïs, en raison des risques pour les abeilles.
La substance chimique du Gaucho, l'imidaclopride, fait aussi partie des néonicotinoïdes dont la Commission européenne a suspendu l'usage pendant deux ans au printemps dernier sur certaines cultures.
Les plaignants accusaient également Bayer d'avoir caché la toxicité réelle du pesticide lors de l'obtention des premières autorisations de mise sur le marché. Mais pour des experts judiciaires sur lesquels s'appuie le juge, « les éléments objectifs du dossier ne permettent pas de dire que la société Bayer a été à l'origine d'une rétention d'information ».
L'Union nationale de l'apiculture française (Unaf), partie civile, a fait appel de ce non-lieu, daté du 1er avril 2014 et conforme aux réquisitions du parquet de Paris de mars 2012. Le dossier sera donc de nouveau examiné par la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris.
« Une fois de plus, cette décision qui blanchit de toute faute pénale les fabricants de pesticides agricoles montre à quel point les juges peuvent être dans l'ignorance du cynisme des réalités économiques, scientifiques et administratives qui gouvernent le marché des pesticides agricoles » estime Olivier Belval, président de l'Una parlant de « très mauvais signal en défaveur de la protection des abeilles et de l'environnement ».
Il souligne que « la justice française s'inscrit en totale contradiction avec les constations des instances européennes, à une époque où tout le corps social attend des réponses vigilantes et efficaces aux atteintes intolérables qui sont impunément portées aux dispositifs législatif et règlementaire de protection des abeilles et de l'environnement ».