L'Autorité de la concurrence ferme la porte, dans une étude thématique sur l'agriculture et la concurrence, à de nouveaux aménagements pour le secteur agricole dans ce domaine. Selon l'Autorité, les règles de la concurrence s'appliquent sans discernement à tous les secteurs économiques.
Dans cette analyse de presque 90 pages, l'Autorité de la concurrence commence par rappeller le cadre juridique dans lequel intervient la régulation concurrentielle du secteur agricole. Puis elle détaille les enjeux et la dynamique économiques qui caractérisent le secteur, avant de nous livrer un panorama de l'action qu'elle y mène.
Pour l'Autorité, « le droit de la concurrence et les instruments spécifiques applicables au secteur agricole sont souvent présentés comme antagonistes. Ils sont en réalité complémentaires à bien des égards », assure-t-elle.
L'autorité contextualise ainsi le droit de la concurrence et son application à l'agriculture :
« Le droit sectoriel propre à l'agriculture et la politique agricole commune mise en place au niveau de l'Union européenne sont le reflet du rôle central qu'a toujours joué ce secteur dans l'économie et des missions d'intérêt général plus larges auxquelles contribuent les agriculteurs, comme la sécurité alimentaire ou l'aménagement du territoire. Ils visent aussi à tenir compte des caractéristiques propres à ce secteur. À certaines contraintes anciennes pesant sur une partie des maillons de la chaîne de valeur agricole (liées par exemple aux aléas climatiques ou à la périssabilité des produits) est venue s'ajouter la situation nouvelle créée par l'ouverture des marchés, la globalisation des échanges et, plus récemment, la volatilité des prix des matières premières. Les réformes législatives ou réglementaires intervenues au cours des vingt dernières années au niveau national ou européen ont cherché à tenir compte de ces mutations, en accompagnant et en guidant le monde agricole dans sa modernisation. »
Dans sa conclusion générale, l'Autorité affirme « en premier lieu, [que] les règles de concurrence s'appliquent à l'agriculture aussi bien qu'à tous les autres secteurs de l'économie », tout en reconnaissant que « leur mise en œuvre au cas par cas reflète un certain nombre de particularités propres à ce secteur ». Il en est ainsi des « particularités juridiques tenant, notamment, aux marges de flexibilité reconnues par le législateur européen et français pour stimuler un certain nombre de coopérations porteuses d'efficacité économique dans les cas où les acteurs ne souhaitent pas unir leurs forces au sein d'une même entreprise », ou des « particularités économiques, comme la persistance d'une structure de marché assez atomisée aux stades primaires de la chaîne de valeur, confrontée en aval à des transformateurs et des distributeurs souvent plus puissants ».
En deuxième lieu, estime l'Autorité, « ces particularités ne justifient pas d'exceptions aux principes cardinaux qui structurent la mise en œuvre des règles de concurrence dans le reste de l'économie, et en particulier pas le recours à des ententes de prix, de répartition des marchés ou des clients, ou encore de fixation de quotas de production. Pour autant, elles se retrouvent dans les conséquences que peut tirer l'Autorité d'infractions à ces règles, notamment lorsqu'elle impose des sanctions ».
Ainsi, illustre l'Autorité dans son analyse, « si des opérateurs de taille importante ne sont naturellement pas traités différemment de la façon dont ils le seraient s'ils intervenaient sur d'autres secteurs, comme l'illustre le cas des grands abatteurs sanctionnés dans l'affaire du porc charcutier, les nombreuses entreprises de plus petite taille et associations professionnelles qui sont présentes dans le secteur agricole font l'objet, lorsqu'elles sont condamnées, de sanctions tenant compte de leur capacité contributive souvent plus limitée que dans d'autres domaines de l'économie ».
Enfin, l'Autorité est « de plus en plus fréquemment conduite à intervenir en amont ou en dehors du contentieux, en adressant, dans le cadre des opérations de concentration qui lui sont soumises ou à l'occasion des avis et des recommandations qu'elle publie, des signaux destinés à orienter les opérateurs agricoles sur la voie d'une plus grande création de valeur économique ». C'est une « tendance lourde », assène l'Autorité dans sa conclusion.
« De ce point de vue, la création d'entreprises de taille plus importante est certainement une des voies à privilégier pour répondre à l'ouverture et à la globalisation des marchés », assure-t-elle. Mais « d'autres voies de substitution ou complémentaires, notamment coopératives », existent lorsque cette solution n'est pas envisageable ou souhaitée, précise-t-elle.
Consultez toute l'étude thématique Agriculture et concurrence publiée par l'Autorité de la Concurrence.