Le Premier ministre a annoncé mardi, lors d'une réunion de députés de l'UMP à l'Assemblée nationale, que la taxe carbone ne pourra être mise en place qu'au niveau européen pour ne pas nuire à la « compétitivité » des entreprises françaises, sans cependant prononcer le mot d'abandon, selon des participants.
François Fillon a également déclaré vouloir donner la priorité aux réformes et mesures économiques et sociales actuellement en discussion au Parlement, selon plusieurs participants à la réunion (croissance, emploi, compétitivité, réforme des collectivités et celle des retraites).
L'entourage du Premier ministre a assuré que cela ne signifiait pas l'abandon pur et simple de la taxe carbone.
Cependant, a souligné ensuite le patron des députés de l'UMP, Jean-François Copé, « il n'y aura pas » de taxe carbone au 1er juillet 2010 comme prévu, « à moins qu'il y ait un accord européen » d'ici là. « Il faut que toutes les décisions prises en matière de développement durable soient analysées à l'aune de notre compétitivité. Cela vaut pour la taxe carbone », a insisté M. Fillon.
Dans un entretien au Figaro Magazine à la veille du premier tour des régionales, le président Nicolas Sarkozy avait laissé présager un changement de calendrier sur la taxe carbone, dont la première mouture a été recalée à la fin de décembre 2010 par le Conseil constitutionnel. « Nous n'imposerons pas à nos industriels des contraintes si, dans le même temps, on autorise les importations venant de pays qui ne respectent aucune des règles environnementales à inonder nos marchés », avait dit le chef de l'Etat.
Jean-Michel Lemétayer, président de la FNSEA, a estimé que « c'est une décision de sagesse que de repousser les choses » et de considérer que la taxe carbone « sera européenne ou ne sera pas [...]. Nous ne pouvions pas accepter une taxe payée par les producteurs français que n'auraient pas à payer nos propres partenaires et concurrents européens. On n'a jamais été opposé à une fiscalité verte dès lors qu'elle serait européenne. [...] Si un jour il y a la même taxe carbone pour tous les Européens, on en prendra acte », a-t-il souligné.
La secrétaire d'Etat à l'Ecologie, Chantal Jouanno, s'est déclarée « désespérée de ce recul » et que ce soit « l'écolo-scepticisme qui l'emporte ». « C'était possible de le faire en France avant de le faire en Europe. C'est ce qu'on avait prévu à l'origine, c'est ce que d'autres pays comme la Suède ont fait », a-t-elle ajouté, reconnaissant que ce projet « n'était pas parfait ».
« Si l'abandon de la taxe carbone, qui était injuste et inefficace, est une bonne nouvelle pour les ménages, a réagi dans un communiqué Laurence Rossignol, secrétaire nationale du PS à l'environnement, en revanche le gouvernement vient aussi de renoncer à toute réorientation de la fiscalité en faveur de l'environnement ». Le PS relève que « la déclaration du Premier ministre n'est assortie d'aucune proposition, aucune alternative, aucune perspective, si ce n'est de s'en remettre à une hypothétique décision européenne ».
Dans un communiqué, mardi, les Verts ont dénoncé « l'abandon en rase campagne » de la taxe carbone, car, selon eux, « il condamne durablement toute tentative d'utiliser la fiscalité écologique ».
Les principales associations de défense de l'environnement, à travers le Réseau Action Climat – France (RAC-F) ont écrit à Nicolas Sarkozy que « les négociations de Copenhague sur le climat nous ayant laissés sans cadre de coordination internationale, il est impératif de mettre en place des politiques climatiques nationales structurantes ». Ces associations craignent que « l'abandon de la taxe carbone (ne) scelle la mort du Grenelle ».
Nicolas Sarkozy « évoquera la question de la fiscalité écologique demain (mercredi 3 mars 2010) dans sa déclaration » prévue à l'issue du conseil des ministres, après l'annonce, par son Premier ministre François Fillon, de son report sans en fixer la date, a indiqué mardi l'Elysée.