Auditionné le 22 mai 2013 par la mission d'information sur la filière de la viande du Sénat, Jean-Paul Bigard, président du Sniv-SNCP (industrie de la viande), a affirmé que les abattoirs ne sont pas « en mesure de régler le problème des éleveurs » face à l'augmentation de leurs charges. Il répondait aux questions des sénateurs sur les stratégies gagnant-gagnant entre l'amont et l'aval du secteur, et, notamment, la contractualisation.
« On parle de contractualisation depuis quelques temps, avance l'industriel. Vous pensez qu'un producteur a envie de contracter ? Pas moi. On a vu le schéma se faire dans la volaille. » Mais, comme le souligne Jean-Paul Bigard, dans cette filière, le cycle de production est bien plus court qu'en bovin. Et la production bovine est aussi plus diverse. « On parle toujours d'un faux-filet, mais on ne dit pas d'où il vient : d'un jeune bovin, d'une réforme laitière, d'une génisse charolaise qui a fait un veau. »
Le représentant des abatteurs reconnaît les difficultés des éleveurs, mais estime que la solution n'est pas d'augmenter encore le prix à la production. « Il faut s'interroger sur la position de l'éleveur [...] dans une coopérative ou une structure libre [avec des intrants dont les prix, NDLR] ont doublé et même plus que ça [...], dans une Pac où il n'a pas la bonne place comparativement à d'autres. Les autres ont des prix qui ont été multipliés par 2 ou 2,5 [...], et rien ne bouge. Honnêtement, je ne crois pas que les abattoirs sont en mesure de régler le problème des éleveurs. »
Jean-Paul Bigard a aussi attiré l'attention des sénateurs sur les difficultés des abattoirs. Il a évoqué les distorsions de concurrence sur la main-d'œuvre avec l'Allemagne, ou encore la position française en termes d'ESB. « Quel ministre osera supprimer les tests ESB ?, interroge-t-il. Si on faisait des fortunes dans l'abattage, ça se saurait. [...] Toutes les municipalités où il y a encore des abattoirs publics, c'est un désastre. Dans le privé, [...], il y en a de moins en moins. Et dans les grosses coopératives, [...] heureusement qu'elles ont la possibilité de tout mélanger, le végétal et l'animal. »
« Dans des cycles longs, contractualiser est très difficile »
Interrogé sur les exportations en vif, l'industriel a cité deux exemples : les broutards et les porcs. Pour un abatteur, ces ventes sur pied sont un problème dans la mesure où ces animaux échappent aux outils français. « Il y a un syndicalisme fort, et même plus que ça, qui milite pour la vente de broutards. Dans le centre de la France, vous pouvez toujours aller parler aux éleveurs des abattoirs, ils n'en ont rien à faire. Dans la viande porcine, vous avez des coopératives où il y a un abattoir et un groupement de producteurs. Elles organisent la sortie d'animaux pour ajuster les volumes présentés au marché du porc et faire monter le prix. C'est extraordinaire comme mécanique. »
Le président du Sniv-SNCP a ainsi pu reboucler sur la contractualisation, estimant avoir, chez lui, « le plus beau modèle en France » entre la SA4R, un groupe d'éleveurs qui produit des veaux de l'Aveyron », lui et Auchan. « Et ça ne marche qu'à condition que le producteur réserve toute sa production à l'industriel et au client final. Je les laisse discuter de leurs prix, et j'interviens après pour ma prestation de service. C'est un schéma qui fonctionne mais qui confirme la règle que la contractualisation ne fonctionne pas autrement. »
Pour Jean-Paul Bigard, la longueur des cycles de production dans la filière bovine est un obstacle à la contractualisation. « Allez voir, si vous avez contractualisé à 4 €/kg et que les cours sont à 4,5 €/kg, si [l'éleveur, NDLR] va vous mettre ses bovins. Dans des cycles longs, [contractualiser, NDLR] est très difficile. J'ai toujours dit OK, je vais contractualiser sur un petit bout, je vous donnerai un complément de prix. Jamais je ne vous laisserai vos animaux. Mais quand, dans le nord de la France, j'ai investi 40 millions, je n'avais pas un seul contrat. J'y crois, c'est mon métier. Pour un abattoir, il y a un périmètre de 100 à 150 km où tous les producteurs, contrat ou pas, savent que cet outil a besoin de matière première. »