Devant les flambées successives des prix alimentaires internationaux poussés par les crises de 2006 (stoppées par la crise économique et financière de 2008) et celle en cours depuis 2010, qui menacent la sécurité alimentaire de nombreux pays, Benoit Daviron, chercheur en économie politique au Cirad (Centre international de recherche agronomique pour le développement), appelle à la mise en œuvre de « nouvelles pistes d’action nationale et mondiale qui rompent avec la vision » interventionniste dominante aujourd'hui : celle qui consiste à « promouvoir des mesures – libéralisation des marchés, instruments privés de gestion du risque, filets de sécurité –, qui montrent leurs limites depuis presque trente ans ».
En résumé, le chercheur dans cette analyse parue dans la lettre du Cirad « Perspective » n° 15 du mois d'avril, explique que plusieurs facteurs peuvent expliquer ces flambées, tendance persistante et aggravée à la hausse des prix alimentaires depuis 2005, sous le coup des politiques commerciales et de la spéculation : l’absence de stockage coordonné, un investissement agricole insuffisant et inadapté, la raréfaction des ressources, et la demande croissante du secteur des biocarburants et des pays émergents.
« Des pressions à la hausse entraînent à la fois une montée tendancielle des prix et un accroissement de la volatilité. En atteste le fait que, même au cœur de la crise économique de 2008, la pire depuis la Seconde Guerre mondiale, les prix des produits alimentaires ne sont pas revenus à leur niveau d’avant 2005 », assure B. Daviron.
D'autant que selon certains analystes, rapporte-t-il, les flambées actuelles des prix annoncent « la fin d’une croissance sans précédent dans l’histoire de la production agricole et une situation de pénurie sur les marchés agricoles ». Le monde arriverait « à la fin d’une longue période de surproduction structurelle sur les marchés internationaux, surproduction fondée sur une consommation massive de ressources naturelles à bon marché ».
Et parallèlement à la raréfaction des ressources pour la production alimentaire, « de nouvelles demandes de biomasse se font jour pour le transport, le chauffage et l’habitat », ajoute l'auteur.
Les biocarburants « constituent la partie la plus visible de ce mouvement ». Alors que « fortement soutenus par des aides publiques massives » – subventions et exonérations de taxes comme aux USA et dans l'UE, ou encore incorporation obligatoire dans l’essence –, « le développement accéléré de ce secteur est devenu un des principaux facteurs de hausse des prix alimentaires », avoue le chercheur.
« Il convient donc d’analyser l’évolution des prix internationaux des produits alimentaires dans une perspective plus large que la seule volatilité », martèle le chercheur.
Selon lui, la stratégie de rupture devrait s'attacher à « fonder les règles du commerce international sur la sécurité alimentaire, coordonner les politiques de stockage à l’échelle mondiale, investir dans une agriculture écologique, et limiter la croissance de la demande de produits agricoles ».
« De nombreuses arènes peuvent être mobilisées pour porter ces débats. Le Comité de la sécurité alimentaire mondiale pourrait les coordonner, en abordant à la fois les questions commerciales, sociales et techniques, aujourd’hui traitées de manière segmentée dans des institutions spécialisées » comme le Pam (Programme alimentaire mondial), l'OMC et la FAO (Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture), propose B. Daviron. Mais « le débat doit être aussi porté au niveau national et local », car « le choix des modèles de consommation ou du type d’agriculture concerne tous les citoyens », insiste le chercheur.
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