Publié le vendredi 13 juin 2014 - 12h35
L'accord politique des ministres européens de l'Environnement sur les OGM intervenu jeudi n'a pas manqué de faire réagir.
Alors que le gouvernement français s'est réjoui de cet accord, la FNSEA estime qu'il « joue ici au contraire le jeu de la distorsion intracommunautaire, renforçant ainsi les inégalités entre agriculteurs européens. Les agriculteurs français vont subir encore une fois les conséquences d'une surenchère soi-disant au nom de l'environnement. »
« Mieux d'Europe ne doit pas signifier moins d'Europe. Par cette subsidiarité, à l'heure où les biotechnologies peuvent apporter de réelles perspectives pour une agriculture et une alimentation durables, la France fait le choix de l'immobilisme et d'une réglementation toujours plus coercitive. »
« Si le gouvernement veut véritablement participer au redressement économique et social de la France et au développement de l'agriculture, qu'il se mette au service de la recherche en établissant un principe constitutionnel d'innovation, tel que proposé par Xavier Beulin et Louis Gallois, ancien commissaire général à l'investissement », conclut la FNSEA.
La Coordination rurale (CR) et son Organisation des producteurs de grains (OPG) ont réagi à leur tour le 16 juin. « Il est vrai qu'avec ce nouveau règlement, les semenciers devront limiter la demande d'autorisation de cultures OGM aux pays qui le souhaitent, cependant, ils pourront désormais exiger des pays qui les refusent des motivations précises sur leur rejet », informent les syndicats agricoles. Toutefois, la CR et l'OPG soulignent que « les sociétés semencières se voient ainsi dotées d'un pouvoir abusif dans les processus d'autorisation ».
La CR et l'OPG signalent aussi que les échanges de grains entre États membres seront des portes ouvertes à des pollutions transgéniques incontrôlables.
De son côté, l'AFBV (Association française des biotechnologies végétales) reconnaît toutefois dans un communiqué que « cette réglementation aura le mérite d'empêcher le gouvernement français d'instrumentaliser la science et de décrédibiliser les instances d'évaluation des PGM pour justifier ses démarches juridiques très contestables d'interdiction des cultures des PGM ». Mais, pour l'AFBV, la nouvelle réglementation « concrétise le fait que les autorisations de culture des PGM ne seront plus prises en fonction des seuls critères scientifiques mais aussi en fonction des options politiques et idéologiques des gouvernements de chaque pays ».
Selon l'association, elle va aussi « avoir comme conséquence de rendre obsolète le principe de coexistence entre les différents types de culture et par conséquent la liberté de choix des agriculteurs pourtant inscrite dans la loi française ».
L'AFBV craint également que l'accord n'ouvre « une brèche dans l'inscription au catalogue des variétés en permettant des exceptions nationales. Ces variétés génétiquement modifiées ne pourront pas en effet être semées ni produites dans les pays en interdisant la culture ; en revanche les produits de la récolte circuleront librement, ce qui créera une double peine pour le commerce des semences. »
Elle juge enfin que « cette renationalisation des autorisations des OGM, aussi regrettable qu'elle soit, permettra aux pays européens qui refusent l'obscurantisme, comme la Grande-Bretagne, de libérer leur recherche et de concrétiser leur politique de développement des plantes génétiquement modifiées. En conséquence, la concurrence entre les pays agricoles qui cultiveront les PGM et ceux qui les refuseront s'exprimera de manière forte. La vérité sur les modèles de production apparaîtra ainsi en toute clarté. »
Quant au député européen écologiste José Bové, il dit « craindre une accélération de l'introduction d'OGM en Europe », estimant que la France et Ségolène Royal avaient « capitulé en rase-campagne. » La possibilité d'autoriser ou d'interdire la culture des OGM sur un territoire est la « version officielle qu'on essaie de nous vendre. En réalité, c'est beaucoup plus compliqué, c'est faux », a déclaré José Bové vendredi sur RMC.
« Premièrement, ce qui a été proposé – le Parlement va devoir voter, on peut encore changer les choses – va amoindrir l'expertise pour qu'elle aille beaucoup plus vite. Le temps d'expertise sera raccourci quand les industriels voudront imposer un OGM en Europe », a développé le député européen.
« Deuxièmement, une fois l'expertise faite et l'OGM accepté, les industriels rencontrent les gouvernements de chaque pays, ce qui n'était jamais arrivé jusqu'à présent. [...] Si le gouvernement dit oui, très bien, il y aura des OGM et personne n'en discute au Parlement. S'il dit non, le gouvernement doit ensuite envoyer un courrier à Bruxelles », a-t-il poursuivi.
« Ce que l'on n'a pas pris en compte et que je dénonce depuis 2010 et que M. Barroso essaie d'imposer cette règle, c'est qu'on va se retrouver confrontés à des procès devant l'Organisation mondiale du Commerce, pays par pays et non plus l'Europe, donc on ne tiendra plus collectivement », a également déclaré José Bové, qui craint des « distorsions de concurrence entre paysans bio dans des pays où il y a des OGM » et les autres, ou encore la « pollution dans les régions frontalières ».
« Ce que je crains, c'est qu'avec ce qui a été décidé par 26 des 28 pays, c'est l'accélération de l'introduction d'OGM en Europe. Malheureusement, la France a capitulé, Mme Ségolène Royal a capitulé alors que tous les ministres de l'Environnement depuis 2010, Mme Kosciusko-Morizet, Mme Bricq, Mme Batho, M. Martin, avaient tenu bon et refusé cette mascarade. « Je crois que Monsanto doit se frotter les mains, ils doivent se marrer, ils se disent “ça y est, on les a bien eus” et en plus on leur vend ça comme une possibilité d'interdire les OGM », a conclu José Bové.
Selon l'IBV (Initiatives biotechnologies végétales), avec ces nouvelles dispositions, divers critères très subjectifs pourront être invoqués tels que l'analyse coûts/bénéfices, l'ordre public, la lutte contre la dissémination, la gestion des territoires pour interdire la culture d'OGM.
« En soutenant cette proposition, le gouvernement français reconnaît que les critères de santé et d'environnement ne permettent pas d'interdire les cultures OGM. D'autre part, il met en péril la libre circulation des semences sur le territoire européen et fait craindre des risques de distorsion de concurrence », ajoute l'IBV.
Il y a aussi la question de la coexistence de divers modèles de production avec ou sans OGM. « L'absence de seuil de présence fortuite d'OGM dans les semences conventionnelles fait peser un risque inassurable sur les semenciers. Cette situation plombe par avance les analyses coûts/bénéfices », ajoute l'IBV.
« L'adhésion tardive de la France à ce principe de nationalisation semble surtout un geste politique pour renforcer les dernières décisions nationales prises contre la culture et l'expérimentation des OGM sur notre territoire. Une manière de clore le débat sans l'avoir ouvert ? », conclut l'interprofession semencière.
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