«Je suis normand, né dans le bocage. Mon système d'élevage extensif a besoin des haies», explique Jean-Louis Julien, éleveur à Canisy, dans la Manche.
La hausse des cours du pétrole en 2005 a enfin donné de l'audience à ceux qui défendent la valorisation des haies. Dans le département, elles courent sur 50.000 kilomètres.
«Chez moi, je coupe 100 mètres de haies tous les ans, soit 20 heures de travail.» Traditionnellement, il récupérait les bûches et brûlait les rejets, soit seulement 30 % de la haie. Aujourd'hui, le déchiquetage a tout changé car il utilise désormais la totalité des bois.
La Cuma départementale Ecovaloris s'est équipée de deux déchiqueteuses à alimentation manuelle, puis d'une déchiqueteuse à grappin. La déchiqueteuse manuelle coûte 20 euros de l'heure et débite 7 m3/h. Celle à grappin coûte 220 euros pour 40 m3/h.
Des partenaires convaincus
Comme trente-cinq autres agriculteurs, Jean-Louis a investi dans une nouvelle chaudière: «En 2006, cela m'a coûté 15.000 euros, dont 8.000 pour la seule chaudière. Pour elle, j'ai bénéficié d'un crédit d'impôt de 40 %. Le conseil régional donne une aide de 500 euros. J'économise 800 litres de fioul.»
Pour écouler leurs surplus, les agriculteurs de la Cuma et leurs partenaires ont créé en 2006 l'association Haiecobois.
Elle réunit aujourd'hui soixante-dix producteurs et commercialise, dans un rayon de 20 km autour des sites de production, 340 tonnes de plaquettes (un tiers paillage, deux tiers chauffage). Elle fournit trois communautés de communes et un collège.
D'autres projets sont en cours: «Il faut des partenaires motivés par le développement durable car le bois industriel est presque deux fois moins cher. La communauté de communes du canton de Canisy nous loue une plate-forme de stockage financée dans le cadre du pôle d'excellence rurale. Le loyer est progressif: 3,30 euros par tonne de bois vendu au début, pour arriver dans cinq ans à un loyer forfaitaire de 3.330 euros pour mille tonnes. Le stockage chez les agriculteurs coûte 4 €/t. Une plate-forme construite sans aides reviendrait à 13 €/t.»
Combien ça coûte: 94 €/t Le coût de production du bois sec est de 94 euros la tonne (40% de main-d'œuvre). Le prix de vente HT s'élève à 113,59 €/t, soit 28,40 €/m3. |
Les régions de l'Ouest proposent des soutiens pour encourager l'utilisation du bois L'Ademe, les conseils régionaux et généraux du Grand-Ouest (Bretagne, Normandie, Pays de la Loire) se préoccupent depuis longtemps de la valorisation de leur ressource en bois. Marc Le Tréïs est conseiller à Aile (1), association d'initiatives locales pour l'énergie et l'environnement qui apporte son appui technique à la Bretagne. C'est l'interlocuteur des porteurs de projets agricoles. «Actuellement, en Bretagne, nous comptons trois cents chaufferies réparties entre maisons, élevages (70) et petits réseaux de chaleur. Leur nombre progresse de cinquante par an.» La Bretagne peut compter sur quatre Cuma et une dizaine d'ETA pour les prestations de broyage. Pour l'instant, les bûches représentent encore 1 million de tonnes, le bois déchiqueté 150.000 tonnes, dont 5.000 issues des haies. Le premier consommateur de bois de haie reste l'agriculteur. Il peut revendre ses excédents. Le bois doit être stocké au moins six mois pour passer de 50 à 25 % d'humidité. La plupart des agriculteurs stockent leur bois. Ils peuvent aussi avoir recours aux quatorze plates-formes de stockage de tailles variables construites en Bretagne par des sociétés coopératives d'intérêt collectif, des associations ou des communautés de communes. Aides régionales et nationales Marc Le Tréïs fait ses calculs sur la base d'un rachat de bois déchiqueté à 60 euros la tonne humide, soit 100 €/t une fois le bois sec. «Une tonne de bois sec correspond à 360 litres de fioul, ou 3.500 kWh, soit un coût de 2,7 centimes/kWh. A comparer avec un coût du fioul de 6 centimes au moins et celui du gaz et de l'électricité supérieur à 10 centimes.» Les aides à l'achat individuel de chaudières à bois sont de 1.500 à 2.500 euros en Bretagne. S'ajoute le crédit d'impôt: 40 % en 2009 mais seulement 25 % à compter de 2010. Il faut sept ans pour compenser la différence d'investissement entre une chaudière au fioul à 3.800 euros et une chaudière à bois déchiqueté à 14.500 euros. Enfin, la région bretonne aide l'achat de chaudières dans les élevages à hauteur de 30 %. L'investissement est amorti entre trois et cinq ans. _____ (1) www.aile.asso.fr |
par Jean-Alix Jodier, Frédérique Ehrhard, Marie-Gabrielle Miossec et Charles-Henri Pouzet (publié le 20 novembre 2009)
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