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Article 8 :

Hôpitaux de proximité: faire face aux fermetures

Alors que les médecins ruraux peinent à trouver des successeurs, les agences régionales d’hospitalisation poursuivent la restructuration des hôpitaux de proximité: blocs opératoires fermés, urgences supprimées, maternités menacées... Mais les élus et les associations locales d’usagers n’entendent pas «voir les femmes accoucher au bord des routes».

Certes, ils sont réceptifs aux arguments portant sur les économies à réaliser, la sécurité des patients à assurer. Mais ils ne font pas les mêmes additions que les comptables des agences régionales. Combien coûte le transport des patients vers les urgences, souvent saturées, des grands centres hospitaliers, l’évacuation inutile de personnes qui auraient pu être soignées sur place, la prévention impossible quand on s’éloigne des usagers? Pourquoi accentuer la tâche de médecins ruraux déjà en sous-effectif? La menace permanente qui pèse sur les hôpitaux de proximité fait fuir médecins et malades: «On nous reproche de ne pas disposer de personnel qu’on nous a empêché de recruter», soulignent les défenseurs d’un hôpital de proximité face à la désertification médicale qui gagne.

Le système craque dans le Loir-et-Cher

Selon les maires ruraux, depuis la fermeture des urgences de Saint-Aignan, le désert médical avance.

Maire de Châteauvieux, un village de 600 habitants, Yves Ménager a décidé de ne pas se taire: «Le désert médical rural avance. La fermeture de l’unité d’accueil et de premiers soins de l’hôpital de Saint-Aignan en 2005 a fragilisé un système médical déjà en surchauffe. Les urgences sont traitées à Blois, à plus de 40 minutes d’ici. Dans ma commune, 43% des gens ne paient pas d’impôts. Cela donne une idée du souci de se déplacer jusqu’à Blois.» Michel Chadenas, maire de Couffi, emboîte le pas: «Les pompiers sont de plus en plus sollicités. Or, ce sont à 80% des volontaires. Un aller-retour à Blois, vers des urgences souvent saturées, nécessite trois heures. Leurs employeurs vont-il accepter longtemps leurs absences?»

Les médecins généralistes sont eux aussi débordés. La région Centre, avant-dernière au classement, dispose de 30% de moins de médecins généralistes que la moyenne nationale. François Coulon, médecin à Fougères-sur-Bièvre, cherche un associé depuis cinq ans. «Les incitations financières ne suffisent pas: les médecins ruraux ont de 30 à 50% d’activité en plus qu’en ville. Les 295 généralistes du Loir-et-Cher de 2006 seront 147 en 2009. Et ceux qui assurent la permanence de soin passseront de 210 à 147.»

Des médecins submergés

Le médecin de l’établissement pour personnes âgées dépendantes de Chateauvieux parle lui de tsunami dans la filière gériatrique: «Certains malades attendent leur prescription médicale plus d’une semaine. Les médecins sont submergés par leur activité de ville. Et le médecin coordinateur de l’institution n’a pas le droit de prescrire.»

Yves Ménager avance des propositions: «Nous voudrions une véritable concertation avec tous les services médicaux et sociaux pour reconstituer une équipe autour des patients. La construction de maisons médicales interdisciplinaires pourrait donner vie à ces réseaux et attirer les jeunes. Mais il faudra se concerter pour éviter la concurrence entre les communes.»

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Des élus réclament un moratoire

Le troisième schéma d’organisation sanitaire (SROS 3) est en marche jusqu’en 2012. Les agences régionales de l’hospitalisation (ARH) qui mettent en œuvre ces schémas restructurent à tout-va. Elles se sont penchées plus particulièrement sur le sort des 113 blocs opératoires qui ne réalisent pas deux mille actes. Les maternités qui pratiquent moins de trois cents accouchements avaient déjà été fermées ou mises sur la sellette lors du précédent schéma. La restructuration des hôpitaux de proximité s’appuie sur quatre idées: entretenir trop de petites structures coûte cher, la sécurité des patients n’y est pas assurée, le personnel manque et les médecins hospitaliers ne veulent plus aller en milieu rural. Sur le terrain, les élus ruraux et les usagers se rebiffent. Même si les agences régionales soupçonnent volontiers les élus de visées électoralistes et n’hésitent pas à rappeler aux maires leurs responsabilités potentielles en cas de manque de sécurité, de qualité et de continuité des soins chirurgicaux.

Des députés et sénateurs réunis à l’initiative de Christian Paul, député de la Nièvre, le 18 septembre au Palais-Bourbon, ont réclamé un moratoire sur la fermeture des services afin d’évaluer les conséquences de ce qui a déjà été engagé. Ils réclament une véritable concertation territoire par territoire. Ils ne s’opposent pas par principe à toute fermeture. Mais face aux arguments des tenants de la concentration hospitalière, ils refusent la «pensée unique». L’hyperconcentration hospitalière ne diminue pas forcément les coûts si l’on y ajoute le transport des malades. La proximité participe à la qualité des soins et favorise la prévention. Rien ne prouve que les petites structures sont synonymes de risques accrus. La fermeture des plateaux techniques de proximité augmente la responsabilité de médecins ruraux surchargés. La plupart d’entre eux réalisent déjà de 30 à 50% d’actes de plus que les médecins de ville. La menace permanente de fermetures qui plane sur les hôpitaux de proximité dissuade les professionnels de s’installer ou de rester en milieu rural. Enfin, les élus soulignent que la nouvelle tarification à l’activité généralisée en 2008 poussera les hôpitaux à se faire concurrence et les empêchera d’assumer leur mission de service public. Ils soulignent le manque de concertation avec les agences régionales qui pratiquent la même politique sur tout le territoire. Et, lorsqu’un tribunal administratif donne raison aux usagers et déclare une fermeture illégale, il est souvent trop tard pour revenir en arrière.

Selon le Dr Laplante, de la MSA de la Franche-Comté, le moratoire permettra peut-être de dépasser l’effet de mode: «Dans les années 1990, on a fermé les hôpitaux locaux. Dix ans après, on les remettait sur le devant de la scène. Dans les discussions sur les restructurations, il est difficile de se dégager des intérêts partisans: les uns veulent faire des économies à tout prix, les autres veulent garder leur hôpital coûte que coûte. Que l’on décide dans l’intérêt des patients et qu’ils soient éclairés sur la situation. Certains citoyens préfèrent la proximité et sont prêts à l’assumer. Il faut aussi lever les doutes sur les fermetures pour améliorer la stabilité des équipes, gage de qualité.»

Prochaine réunion des élus contre l’aggravation du désert médical français: le 27 novembre au Palais-Bourbon.

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Une maternité condamnée

Avec son réseau de périnatalité, la maternité de Clamecy aurait dû être à l’abri de toute fermeture. Erreur!

Le service maternité de l’hôpital de Clamecy (Nièvre) doit fermer en mars 2008. Décision de l’agence régionale d’hospitalisation de la Bourgogne. Pourtant, cela fait vingt-deux ans que le Haut-Nivernais a mis sur pied un réseau périnatal souvent donné en exemple: «Nous pratiquons 190 accouchements. Donc nous sommes condamnés, explique Danièle Capgras, présidente d’honneur du réseau périnatal du Haut-Nivernais. Chez nous, la modernité ce sera d’accoucher sur le bord de la route en 2008. La maternité est à plus d’une heure d’ici.»

La prévention, un luxe?

Président en exercice du réseau, le Dr Filidori, gynécologue, revient sur sa création: «En 1993, la maternité était menacée. Nous avons mené une enquête périnatale: les femmes venaient pour la première fois à l’hôpital le jour de l’accouchement. Les soignants découvraient les problèmes au dernier moment. Aujourd’hui, quand une grossesse présente un risque que ne peut assumer notre maternité de niveau 1, nous réorientons très tôt la jeune femme.»

Leur réseau de périnatalité intègre les sages-femmes, les médecins généralistes et spécialisés, les services sociaux. Pierre-Yves Billiard, médecin à Corbigny, se souvient de la première réunion: «Au départ, nous ne voulions pas savoir ce qui se passait derrière les hauts murs du voisin. Ensuite, nous avons négocié la place de chacun, au mieux des intérêts des femmes enceintes. L'entretien prénatal réalisé par nos sages-femmes dès le quatrième mois est maintenant préconisé partout. Nous réalisons un travail de prévention: sur le diabète, sur l’allaitement maternel… La prévention serait-elle un luxe? Dans cet hôpital, quand il y a des postes, ils sont pourvus. Il nous manquait un pédiatre, nous avions trouvé un accord avec un médecin de Nevers. L’ARH nous a imposé de travailler avec un autre hôpital, sans disponibilité. On nous reproche finalement de ne pas avoir ce que l’on ne nous a pas donné.»

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Arrêts puis reconversions à La Ferté-Macé

En deux ans, l’hôpital de proximité de La Ferté-Macé-Domfront, dans l'Orne, a vu fermer sa maternité et son bloc opératoire.

«Il y a un avenir pour les hôpitaux de proximité»,affirme Didier Briche, directeur du centre hospitalier intercommunal des Andaines (La Ferté-Macé et Domfront), dans l’Orne. Pourtant, cet hôpital rural sort de deux années de turbulences. En janvier 2005, ce sont les gynécologues-obstétriciens qui tirent la sonnette d’alarme: l’absence de pédiatre fait courir un risque aux nouveau-nés. Le conseil d’administration décide alors de fermer la maternité. Puis en mars 2006, le départ d’un des deux chirurgiens précipite la fermeture du bloc opératoire qui était prévue au 1er janvier 2007.

Malgré les fortes protestations des usagers, regroupés au sein de l’association «Sauvons l’hôpital de La Ferté-Macé», les patients ont dû s’orienter vers d’autres hôpitaux de la région, notamment celui de Flers, à une trentaine de kilomètres. «On a l’impression de subir des décisions venues d’en haut, explique Noëlle Poirier, vice-présidente de l’association. Nos actions portent maintenant sur le manque de médecins et l’égalité devant les soins.»

Rebondir

Après ces fermetures, l’hôpital tente de rebondir en reconvertissant ses locaux vers de nouvelles offres de soins. La maternité a été remplacée par un centre périnatal de proximité où intervient du personnel de Flers. Les jeunes mamans peuvent y assurer le suivi d’avant et après-accouchement. Un service de soins de suite et de réadaptation neurologique de quinze lits est également en cours d’aménagement pour une ouverture prévue au début de 2008. La reconversion du bloc opératoire a permis de maintenir un service de consultations externes spécialisées, ainsi qu’une antenne du centre de psychothérapie de l’Orne, basé à Alençon. De leur côté, les services de médecine polyvalente passent de quarante à cinquante lits et les urgences améliorent leur efficacité avec des locaux refaits à neuf.

Enfin, le site de La Ferté-Macé a acquis une notoriété nationale avec une spécialité en lymphologie (œdèmes des membres) qui passe de dix à quinze lits. La proximité d’une usine de produits chimiques classée Seveso a même permis de s’équiper d’un double tunnel de décontamination nucléaire, radiologique, biologique et chimique. «L’augmentation de l’activité médicale a déjà compensé la fermeture de la maternité», estime Didier Briche, qui chiffre à plus de 25 millions d’euros cette reconversion.

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Une «rue médicale» à Argentan

«La ville d’Argentan a perdu dix spécialistes libéraux en quatre ans qui n’ont pas été remplacés, avec pour conséquence une demande accrue de consultations au centre hospitalier», explique son directeur, Michel Renaut. Pour faire face au manque de praticiens et faciliter la vie des patients, Michel Renaut a lancé le concept d’offre globale de soins sur un même lieu. C’est ainsi qu’est née la «rue médicale», dont les travaux se terminent actuellement. A côté de l’hôpital et de la maison de retraite se retrouvent le laboratoire d’analyses, les services aux personnes âgées, les soins infirmiers, l’aide et l’hospitalisation à domicile, la maison médicale. S’y ajoutent douze cabinets pour des médecins libéraux dont l’hôpital assure la gestion administrative, moyennant un forfait de 1.600 euros par mois.

Pour Michel Renaut, «chacun doit se sentir chez soi, tout en étant sur le même terrain».

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L’hôpital local conserve deux médecins hospitaliers

L’hopital local de Murat, dans le Cantal, peut devenir le premier maillon sanitaire si on lui en laisse les moyens.

«La nécessité de maintenir les hôpitaux locaux dans les communes rurales ne peut raisonnablement être remise en cause, au regard du service offert à la population, souligne sans ambages Marie-Pierre Berruyer, directrice de l’hôpital de Murat (Cantal). Elle est aussi directrice intérimaire de celui de Condat.

Service de proximité

Pour la jeune femme arrivée en juin 2005 dans le Cantal, en provenance d’une grande ville du Midi, le regard est lucide: «L’hôpital local est le premier maillon sanitaire avant une orientation éventuelle du patient dans un CHG (centre hospitalier général) ou un CHU (centre hospitalier universitaire). C’est un véritable service de proximité. Qui dit proximité, dit aussi rapidité, avec l’importance que cela peut avoir sur le plan médical.»

C’est le médecin traitant qui décide d’envoyer ou non son patient à l’hôpital local, disposant d’un service de médecine générale et d’un service de soins de suite et de réadaptation. En revanche, il ne dispose ni de chirurgie, ni d’obstétrique, ni d’urgences depuis une trentaine d’année. Mais Murat dispose par dérogation de deux médecins hospitaliers. Cela en fait une borne de première intention.

L’hôpital offre une capacité de 256 lits, dont 30 de médecine, 40 de soins de suite et réadaptation, 50 lits de long séjour, 90 lits de maison de retraite, 10 places d’accueil temporaire et enfin 36 places de soins infirmiers. «Les gens apprécient de ne pas être systématiquement envoyés loin de chez eux. Et lorsque ce n’est pas nécessaire, cela évite un engorgement des centres urbains, souvent saturés.»

Murat entre aussi dans un réseau de gérontologie car ce service est particulièrement important dans des zones à population âgée. Les places d’accueil temporaire sont également prisées, en particulier l’hiver, par des gens âgés vivant dans des zones très isolées. L’hôpital local de Condat, avec ses 134 places, dont 15 lits de médecine, ne dispose pas de médecin hospitalier. Huit médecins libéraux du secteur y suivent leurs patients. Mais, pour les urgences, les malades sont directement envoyés, via le 15 et les pompiers, vers l’hôpital de Saint-Flour, distant d’une cinquantaine de kilomètres, ou vers celui d’Aurillac, à environ 100 km.

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Une «borne urgence» envisagée

Médecin retraité et maire de Riom-ès-Montagnes (Cantal), pour Guy Delteil, le constat est simple: «Aucune mère de famille n’aura envie de venir vivre dans une commune rurale ne pouvant offrir un service de secours rapide à ses enfants! Le secours aux personnes sur des territoires de montagne éloignés ou difficiles d’accès est primordial.» Guy Delteil envisage pour sa commune une «borne urgence», structure jusqu’à présent non officiellement définie mais déjà quasiment fonctionnelle sur le terrain. «Pour assurer ces urgences, nous devons disposer d’une manipulatrice en radiologie. La télétransmission permet aujourd’hui d’avoir un diagnostic à distance immédiat. Il faut aussi un infirmier anesthésiste, capable de pratiquer des intubations, et enfin former les médecins généralistes comme correspondants du Samu.» La borne ainsi définie serait gérée par le Samu et pourrait évidemment s’appuyer sur les pompiers et les véhicules du Smur. La balle et les décisions de financement sont aujourd’hui dans le camp de l’agence régionale d’hospitalisation. «L’aménagement du territoire ne peut se passer sur le terrain de services concrets», insiste le maire.

par Marie-Gabrielle Miossec, Jean-Claude Ballandonne et Monique Roque

(publié le 26 octobre 2007)



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