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Autres dossiers

Article 9 :

La campagne en quête de médecins

Les médecins ruraux se sont fait entendre lors de la grève de 2002. Le prix des consultations a été revalorisé, l'astreinte des gardes relevée à 50 €. Mais le malaise perdure. A l'ère des 35 heures, les médecins voient exploser leur charge de travail. Nombreux sont ceux qui réorganisent leur système de garde pour retrouver un peu de temps libre. Ils ont limité au strict nécessaire les visites à domicile comme la loi le demandait.

D'autres expérimentent des réseaux gérontologiques pour intervenir mieux et moins. Cependant, le remplacement des médecins ruraux qui partent pour les vacances, ou pire de ceux qui prennent leur retraite, reste problématique. Il fait craindre une pénurie de médecins demain dans le rural isolé. Un début de solution pourrait être apporté par les regroupements de cabinets ou la constitution de réseaux selon la MSA.

Mais le succès des associations passe par une bonne entente. Emplois du temps chargé, difficulté à trouver des remplaçants, association nécessaire... autant de problèmes familiers pour les agriculteurs.

MINISOMMAIRE

Garder le docteur... et sa famille

Il aime la médecine rurale mais il voudrait pouvoir souffler de temps en temps. Comme en agriculture la question du remplacement est cruciale.

Frédéric Boyer appelle sa femme: «Sans son accord, je ne me serais pas installé à La Motte-Chalancon.» Catherine Boyer a accepté de quitter son métier en région parisienne et de venir vivre dans ce petit village de la Drôme à la limite des Hautes-Alpes. «Le coin est beau mais j'ai mis cinq mois à m'y faire. Il faut passer l'hiver quand il ne reste plus personne au village.» La Motte compte 400 habitants l'hiver et la population est multipliée par dix l'été. Frédéric s'est installé en 1998 après un remplacement. «J'étais enthousiaste. J'aime la médecine rurale. Nous faisons vraiment de tout. Cela va de l'angine à la gériatrie en passant par la pédiatrie ou même la petite chirurgie.»

Des urgences à 40 minutes

Mais ce qui fait le charme du métier, explique aussi ses difficultés: «Nous prenons des risques. Nous ne pouvons pas demander conseil à un spécialiste. Pour les urgences, nous sommes les premiers sur place avec les pompiers.» Deux médecins officient à La Motte: «Les mois d'été, nous avons une forte activité avec les résidences secondaires et les touristes. C'est une clientèle différente souvent moins patiente, parfois moins aimable. Mais ce regain d'activité nous fait vivre.» L'excès de travail l'été, suivi de dix mois plus creux, pose des problèmes: «Nous prenons deux semaines de vacances en dehors des mois d'été. Aucun remplaçant n'accepte de venir. Les rares jeunes qui nous contactent raccrochent dès qu'ils réalisent que le Samu est à 40 minutes.»

Catherine a adopté le statut de conjoint collaborateur. Très active, elle s'est investie dans la vie municipale et les associations: «Nos enfants ont quatre ans et neuf mois. Nous tenons le coup parce que les trois médecins du secteur ont mis au point un système de garde. Avant, la garde ne fonctionnait que le week-end.» Le système de garde touche trois cantons qui totalisent 3.000 habitants à l'année. «Nous sommes de garde une semaine sur trois. Les appels sont régulés par le Samu. Sans ce système, nous partions», raconte Frédéric tandis que Catherine surenchérit: «C'est trop dangereux de sillonner les routes de montagne. Il faut une heure et demie pour joindre les points les plus éloignés.» Frédéric Boyer parcourait 17.000 km durant les premières années. Avec la restriction appliquée aux visites à domicile, il est tombé à 12.000 km. Un mieux pour lui mais il s'inquiète pour ses patients âgés: «Les personnes isolées ne doivent pas être oubliées.

Avec l'installation d'une pharmacie dans le canton voisin, nous ne pratiquons plus la propharmacie. Comment faire porter les médicaments rapidement? Heureusement qu'il reste pour l'instant le facteur.» Deux étapes marquent le futur du couple à La Motte-Chalencon: «Nous voulons acheter une maison. Mais la pression foncière générée par les résidences secondaires renchérit toutes les installations. Si nous restons, dans cinq ans les enfants iront au collège. Supporterons-nous de les voir prendre le bus à 6h45 pour un retour 11 heures après», s'interroge Catherine. Frédéric conclut: «J'aimerais être légalement obligé de prendre des repos pour que le problème des remplacements en milieu rural soit vraiment posé.»

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«Créons des zones franches médicales»

Médecin, maire et conseiller général, Philippe Ducène voudrait des mesures immédiates pour attirer les médecins à la campagne.

Les ramasseurs de champignons se bousculent dans les sous-bois qui mènent à Sainte-Alvère en Dordogne. Mais il y a peu de chance que l'on compte Philippe Ducène parmi eux. Médecin de campagne, installé en Dordogne dès la fin de ses études, il est maire de la commune depuis vingt ans et conseiller général. «Je suis terrien dans l'âme. J'aime les relations qui lient le patient à son médecin. L'envers du décor, nous devons être disponibles à 120%.»

Des remplacements difficiles

«Notre maison médicale regroupe deux médecins, deux kinésithérapeutes deux infirmières et un dentiste. Nous proposons une sorte de maison de service public, ouverte 24 heures sur 24 et sept jours sur sept à un bassin de 3.000 habitants. Le premier centre hospitalier est à 35 kilomètres, soit 40 minutes. «Les journées commencent à 6h30 et s'achèvent aux alentours de 21h00.» Lors de la grève des généralistes, nous avons réalisé que nous avons les mêmes soucis: nous n'avons pas vu grandir nos enfants, beaucoup d'entre nous ont divorcé.» Philippe Ducène qui souffre du dos devra attendre novembre pour se faire soigner: «Ce sera pendant ma semaine de congé. Nous prenons peu de vacances, car trouver un remplaçant qui accepte de s'éloigner de la ville, relève de l'exploit. Les jeunes médecins veulent tout tout de suite. Ils touchaient autrefois 50% du prix de leurs visites. Aujourd'hui, certains exigent jusqu'à 80% et réclament l'abonnement à Canal+. A ce tarif, les médecins en place préfèrent fermer leur cabinet quand ils partent. Ils partent donc peu.» Il apprécie sa clientèle d'agriculteurs: «Nous avons le même rythme d'activité souvent, des emplois du temps lourds. L'arrivée des 35 heures nous a encore plus isolés du reste de la population.

Et en plus on vient de nous supprimer le service de bip alors que le téléphone portable ne passe pas ici. Il y a urgence.» Membre actif de l'association des maires ruraux, Philippe Ducène, peu convaincu par les effets immédiats du projet de loi Gaymard, avance d'autres propositions: «Les étudiants en médecine devraient obligatoirement faire une partie de leur stage de fin d'étude en milieu rural. Le statut de remplaçant devrait être supprimé au bout d'un temps donné avec obligation de s'installer. Plutôt qu'une prime, pourquoi ne pas défiscaliser une partie des investissements réalisés par ceux qui s'installent en milieu rural?

Enfin, c'est toute la filière de soins qu'il faut soutenir: la création de maisons médicales devrait être encouragée, les loyers défiscalisés pour convaincre les propriétaires d'investir, les gardes de nuit défiscalisées. Créons de vraies zones franches médicales à la campagne.

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Dans la loi sur les territoires ruraux

Des mesures sont annoncées dans la loi sur les territoires ruraux et lors du comité interministériel d'aménagement du territoire pour attirer de nouveaux médecins. Une prime à l'installation serait octroyée. L'exercice en cabinet de groupe, en cabinet secondaire et la constitution de pôles de santé seraient encouragés avec l'aide des collectivités territoriales. Pour rompre l'isolement, la loi prévoit de créer des réseaux de santé articulés sur le dispositif régional de soins hospitaliers.

Enfin, les étudiants qui s'engagent à exercer en milieu rural bénéficieraient de bourse spécifique. Dans un entretien au «Quotidien des médecins», Michel Ducloux, président du Conseil national de l'ordre des médecins, remarque que l'on demande aux médecins de s'installer en rural à l'heure où l'Etat ferme les services publics en place.

Pour lui, l'appel au financement des collectivités locales créera un décalage entre régions riches et pauvres. Il se réjouit cependant que l'idée d'établir un numerus clausus à l'installation n'ai pas été retenue. Ce serait pour lui une entrave à la liberté d'installation.

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Le réseau, une solution pour les soins de proximité

A Doué-la-Fontaine, médecins, infirmières, kinésithérapeutes, assistants sociaux travaillent en réseau pour éviter l'hospitalisation des personnes âgées.

D'un côté, il y a les personnes âgées qui aspirent à rester le plus tard possible chez elles. De l'autre, les médecins, comme Jean-Yves Cesbron, sont prêts à accompagner cette demande. «Les personnes âgées appellent parfois le médecin alors qu'elles auraient besoin de massages, d'aide à la toilette, de portage de repas ou du regard d'une assistante sociale. Lors d'une réunion nationale à la MSA, nous avons entendu parler de la mise en place de réseaux de gérontologie expérimentaux.»

Avant la chute

«A Doué-la-Fontaine, dans le Maine-et-Loire, l'ambiance entre les médecins est confraternelle. Nous sommes une vingtaine à consulter aussi à l'hôpital local qui abrite également le service de soins infirmiers à domicile. Nous avons créé une association à l'hôpital avec le soutien actif de la MSA qui avait ce savoir-faire. Depuis quatre ans, nous conseillons à nos patients en voie de dépendance de contacter notre coordinatrice avant qu'un incident, comme une chute ou un malaise, se produise.» Au standard de l'association, une infirmière assure la permanence. Elle oriente les patients. Lorsqu'une nouvelle personne prend contact, le réseau lui propose une journée d'évaluation à l'hôpital local puis la mise en place du suivi à son domicile. «Nous recevons les personnes de plus de 60 ans, qui sont affiliées à la MSA, à la CPAM. Elles doivent être dépendantes ou en voie de dépendance. Elles habitent sur notre zone d'action. Elles sont volontaires», explique Joëlle Servins. La personne âgée prise en charge bénéficie d'un bilan médical réalisé à l'hôpital et d'un bilan social à domicile. A l'hôpital interviennent le médecin généraliste pilier de la coordination, le kinésithérapeute, l'ergothérapeute, l'infirmière...

La santé et le social

La prise en charge est totale pour les professionnels adhérents au réseau. Un bilan de vie est réalisé au domicile avec le concours d'une assistante sociale qui propose des interventions qui vont de l'aide ménagère au portage des repas, à la télésécurité en passant par l'aménagement de l'habitat. Elle étudie aussi les droits aux prestations. L'infirmière coordinatrice assure un suivi à domicile toutes les huit semaines. «158 patients sont aujourd'hui dans ce réseau angevin. Le problème des logements demeure: seuls 44,5% sont adaptés. Enfin nous devons renforcer l'aide aux "aidants" car ils s'épuisent.» 34 médecins, 24 infirmières et 10 kinésithérapeutes ont adhéré au réseau qui s'étend sur trois cantons. «Ce réseau garanti une prise en charge des soins de qualité et aussi une qualité de vie. Grâce à la coordinatrice, nos interventions sont moins nombreuses mais mieux ciblées», apprécie Jean-Yves Cesbron.

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A condition de s'entendre

Isabelle Duval, médecin conseil à la MSA suit l'expérience de Doué-la-Fontaine. Elle tire les premiers enseignements des dix-neuf expériences de réseaux gérontologiques à travers la France. «Pour une fois, tous les intervenants médicaux et sociaux travaillent ensemble. Cela exige une bonne entente. Les personnes âgées sont sécurisées. Le coût de cette assistance est moins élevé que l'hospitalisation.» Grâce à une convention avec les caisses d'assurance maladie, le temps consacré à la coordination par ces soignants est rémunéré. L'expérience, financée par le Fonds d'aide à la qualité des soins de ville, durera jusqu'à la fin de 2004.

Les limites de l'expérience apparaissent vite en milieu rural, là où il n'y a pas d'hôpital à proximité. Les kinésithérapeutes manquent et se déplacent de moins en moins. Ailleurs, les infirmières se font rares. Enfin, ce réseau a fait naître des besoins en aides soignantes ou aides ménagères qui sont en cours de formation.

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Une maison médicale de garde

Les médecins du Gapençais réorganisent quatre tours de garde qui périclitaient.

La permanence des soins est une obligation qui s'impose aux médecins mais ils organisent volontairement leurs gardes. En cas de déficience, il peut y avoir des réquisitions préfectorales. «Le système de garde, qui oblige certains médecins à être disponibles pratiquement un jour sur deux, a explosé. Les jeunes refusent de ne pas avoir de temps libre», explique le docteur Simon Filippi, de Gap, dans les Hautes-Alpes. Il y a 22 ans, Simon Filippi a fait partie des créateurs de SOS médecins à Gap. «Cette mission de service public n'est accompagnée d'aucune reconnaissance. Depuis quelque temps, les quatre tours de garde du Gapençais ne fonctionnaient plus correctement. Nous avons fusionné les tours de garde dans un rayon de 20 kilomètres, soit un bassin de 25.000 personnes et créé une maison médicale de garde très complète. Mon tour de garde qui était d'un jour sur quatre, est passé à un jour par mois.»

«Nos locaux se situent dans une clinique de Gap. Un médecin assure la permanence, assisté d'une secrétaire. Un autre médecin d'astreinte assure les visites à domicile incompressibles. 95% des consultations se font à la maison de garde.» Celle-ci va s'installer dans l'hôpital. «Nous resterons une structure privée avec des médecins volontaires.»

«L'accès sera régulé pour ne traiter que les urgences et ne pas devenir un cabinet médical bis. Nous fermerons la maison entre minuit et 8 heures en maintenant le médecin d'astreinte», conclut Simon Filippi. Une autre maison est à l'étude dans le nord du département en zone plus rurale.

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Une infirmière passionnée mais inquiète

Corine Polycarpe est infirmière à Rousset, dans les Hautes-Alpes: «Nous sommes quatre dans un cabinet qui comptait une personne il y a douze ans. Les aides à la toilette des patients âgés expliquent cette évolution. Elles représentent une grande part de nos revenus. Faute de temps, nous venons de mettre deux patients sur liste d'attente. Une partie de ces soins devrait être déléguée aux aides-soignantes. Nous gardons un rôle de surveillance.

Nous rédigeons déjà des dossiers de soins infirmiers que valide le médecin. Nous allons devoir travailler avec les autres professionnels de la santé en bonne intelligence. J'ai quitté le secteur hospitalier et je ne voudrais pas retrouver des relations hiérarchiques pesantes et trop de paperasse. Pour l'éviter, je vais suivre de près l'élaboration du plan environnement-santé qui se mettra en place en 2004.»

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Se regrouper pour un exercice plus confortable du métier

Il n'y a pas de recettes miracle, selon Alain Corvez, médecin-conseil à la Mutualité sociale agricole qui intègre cette semaine l'équipe de Jean-François Mattei, ministre de la Santé. «Mieux vaut partir des richesses de chaque territoire. Les mesures d'incitation fiscale ou les primes encourageront les installations, mais cela ne suffira pas.

Quand l'économie ne va pas, que les services manquent, les médecins ne se précipitent pas. Un tiers du rural est vraiment menacé. Les soignants doivent se regrouper pour un exercice plus confortable de leur métier. Une centralisation des appels et l'assurance d'avoir rapidement un interlocuteur suffiront par endroits si ces systèmes sont transparents pour les ruraux. Face à la diminution mathématique du nombre de médecins, la répartition des tâches peut être affinée à l'image de ce qui se pratique dans les réseaux de gérontologie.

Associons réseau sanitaire et réseau social sur les adolescents, les suivis de grossesse. Les besoins immédiats, les soins primaires peuvent être couverts sur place par la mise en réseau des généralistes, infirmières, kinésithérapeutes... mais aussi des aides-soignantes et aides familiales. Les hôpitaux et les spécialistes arrivent ensuite en soins de recours.»

par Marie-Gabrielle Miossec

(publié le 10 octobre 2003)



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