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Article 1 :

Face à la grande douve: «J’ai repensé ma stratégie de prévention»

Situé dans une zone humide, Bruno Henry a entrepris d’assainir ses points d’eau pour éliminer les risques d’infestation et éviter de traiter certains lots.

«Dans ma jeunesse, on ne s’occupait guère de la grande douve, lance Bruno Henry, quarante-deux ans, éleveur à Tremblois-les-Rocroi. C’est en changeant de mode de commercialisation et en passant au paiement au poids de carcasse, avec l’apparition du critère foie douvé, que l’on a été amené à traiter. Mais depuis trois ans, nous n’avons plus de remontée de l’abattoir. A croire que la situation était assainie. En fait, il n’y a plus de contrôle systématique.» Jusqu’à l’an dernier, toutes les élèves recevaient un traitement à base de nitroxinil (1) un mois après la rentrée à l’étable. Les vaches laitières – non traitées – ne pâturaient que les parcelles réputées saines. «Malgré toutes nos précautions, nous avons eu des sérologies positives sur le lait de tank», note Bruno Henry. L’élevage est suivi par la Clinique des Forges. Quand le Dr Gérard Bosquet présente la démarche de l’observatoire de la grande douve et l’expérience vendéenne, Bruno Henry saisit la perche. Préoccupé par l’impact environnemental des pratiques agricoles, il est prêt à aborder la santé des animaux autrement, sans pour autant mettre en jeu le potentiel des laitières (7.500 kg/an en moyenne) ou la croissance des mâles. Le contexte géographique de l’exploitation l’expose au risque parasitaire. Entre la Thiérache et le plateau de Rocroi, la pluviométrie moyenne est de 1.100 ml/an.

 

Repérer les gîtes à limnées

La première étape du protocole confirme la prévalence du parasite. Les résultats de la sérologie sanguine sont clairs: beaucoup de JB sont positifs, tandis que l’échantillon de vaches laitières montre un faible niveau d’anticorps, signe d’infestations modérées anciennes. La coproscopie ne révèle la présence d’oeufs que sur un seul des dix animaux de l’échantillon des G3 (génisses pleines et mâles).

Deuxième étape, le diagnostic de l’exploitation. «Cela commence par la description des lots de différentes générations, les dates de sortie en pâture et de rentrée, les parcelles en rotation, le plan d’épandage qui exclut et donc identifie les zones trop humides. Il faut vérifier cela in situ», explique Gérard Bosquet. La visite a eu lieu en février dernier. Tous les sites à risques sont repérés et annotés. Au mois de mai suivant, le vétérinaire y trouve ce qu’il cherche: les hôtes intermédiaires de la grande douve, les limnées, sont là.

La majorité des terres sont des limons battants. Seuls 3 ha sur une parcelle de 20 ha nécessiteraient un drainage agricole. En l’absence de subvention, le coût reste élevé. Bruno n’y fait donc pâturer que des jeunes, qui sont automatiquement traités avec un médicament à base de triclabendazole (1). Les parcelles pâturées par les vaches laitières disposent de quatre points d’eau dont trois alimentés par une source et le dernier par un forage. L’environnement des bacs ne pose pas de problème.

 

Isoler les points d'abreuvement

La situation est à améliorer autour des points d’abreuvement régulièrement transformés en pataugeoire, puis en bourbier. Au lieu-dit Odette, dans un fossé où viennent boire les génisses en deuxième saison de pâturage, s’ajoutent aux eaux de ruissellement les eaux usées d’un quartier de la commune. Celle-ci va donc prendre en charge la pose du drain. L’éleveur installera ensuite un bac fermé sur trois côtés et empierré au niveau de l’accès. Deux autres ruisseaux traversent l’exploitation. A Signy-l’Abbaye, le site le plus éloigné, le gué a été clôturé et l’éleveur a installé une pompe à poussoir. Au Pont, le lit du cours d’eau est bien empierré. Le pâturage ne débute qu’en juillet après une première fauche. La dégradation est donc moins importante. Au Puits-Souffleur, autour de la pompe à poussoir, il suffit de remonter l’empierrement qui, avec le temps, s’est creusé. A Bourbou, la surface de la mare a doublé en dix ans et les bords s’effondrent. Avec une pelleteuse, il faudra récupérer du fond. «Comme dans d’autres parcelles, l’érosion est telle que les réserves en eau disparaissent. C’est d’ailleurs ce point, avant la grande douve, qui m’a motivé pour assainir les prairies, indique l’éleveur. L’été, il me fallait aller au moins trois fois porter de l’eau dans des parcelles à 20 km du siège de l’exploitation. Cette corvée est terminée.» Bruno Henry estime aussi que la baisse du nombre de cas de fourchet - deux au lieu de cinq l’an dernier - est due à cet assainissement. «Les animaux ne piétinent plus sur des zones alternativement sèches ou humides.» Le programme d’aménagement est bien avancé. Bruno Henry a investi 1.100 € pour les cinq pompes à poussoir et 500 € pour les clôtures et piquets. «C’est du travail et de l’entretien par la suite, reconnaît-il, mais le jeu en vaut la chandelle. Mon objectif est de diminuer les traitements de 50%.»

Des analyses sont prévues en octobre – sérologie sanguine et coproscopie – sur les vaches laitières pour justifier ou non l’impasse du traitement. En décembre, ce sera au tour des autres lots. Ces résultats et l’amélioration des parcelles détermineront la stratégie de prévention de l’automne 2007.

_____ 

(1) Ces matières actives sont contenues dans des produits soumis à prescription vétérinaire.

 

Le bon produit au bon moment

- L’été, vérifier que les conditions météorologiques permettent une activité des limnées.

- A l’automne, il ne faut pas intervenir trop tôt. Les métacercaires ne donnent naissance à des adultes qu’au bout de deux mois. Les seuls produits actifs pour les laitières en lactation le sont à ce stade.

- Respecter le temps d’attente du lait. L’absence de cette mention signifie que le produit est interdit sur les vaches laitières.

- Suivez les doses prescrites en tenant compte du poids de l’animal.

- S’assurer de sa bonne ingestion sans incorporation dans la mélangeuse.

 

 

L'avis de l'expert: GÉRARD BOSQUET, vétérinaire SNGTV dans les Ardennes

«Il faut s'attaquer à l'hôte intermédiaire»

«On pense connaître la grande douve. C’est une fausse impression. Il faut tenir compte de l’hôte intermédiaire du parasite qu’est la limnée. Tant qu’on la laisse se développer, on ne sort pas du cercle vicieux. En abordant l’agronomie, en étudiant les plans d’épandage, on reste dans une logique biologique. Pour raisonner la conduite de l’élevage, il faut avoir une vision globale du terrain. L’attente sociétale est très forte en matière de justification des traitements. En termes d’image, c’est important. Or, habituellement, le résultat positif d’une sérologie sanguine conduit à la prescription d’un médicament. Et l’on s’arrête là. J’estime qu’on peut mieux valoriser cette analyse auprès des éleveurs, s’orienter vers plus d’investigations, répondre à une attente de conseil. L’observatoire de la grande douve a été mis en place en 2004. Nous avons formé 28 relais régionaux pour sensibiliser les praticiens et faire des réunions avec les éleveurs. Cette approche change nos habitudes, dans l’organisation d’un cabinet vétérinaire comme chez nos clients, où le diagnostic sur site peut mobiliser deux ou trois heures.»

par Mireille Pinault

(publié le 2 octobre 2006)



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