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Grands dossiers

Article 4 :

Strongles: contenir l'infestation

Les strongles, la douve ou le paramphistome sont à l’origine de retards de croissance, difficilement mesurables mais réels. «De 10 à 15 kg chez les veaux laitiers, et jusqu’à 40 kg chez les allaitants pour les strongles gastro-intestinaux», estime Christian Mage, qui a longtemps travaillé sur ce sujet pour l’Institut de l’élevage et le Groupement de défense sanitaire (GDS) de Corrèze. Dans les cas extrêmes, des pathologies aiguës (ostertagiose de type 1, dictyocaulose...) peuvent survenir.Pour les éviter, une solution : développer les défenses immunitaires des animaux dès leur première saison de pâturage. Cette stratégie est moins coûteuse que le recours systématique aux strongylicides et aux douvicides. L’objectif est de contenir l’infestation des animaux en leur administrant des produits à un moment pertinent. Et de maîtriser la contamination des prairies grâce au pâturage tournant ou à l’agrandissement des parcelles en cours de saison, afin de baisser la pression parasitaire. Pour les strongles pulmonaires (dictyocaule), trois semaines suffisent pour acquérir l’immunité. En revanche, deux à trois mois sont nécessaires pour les strongles gastro-intestinaux (ostertagia). Contre la grande douve du foie et le paramphistome, la meilleure lutte reste la prévention, en condamnant la pâture dans les prairies contaminées.

 

 

«Développer l’immunité des génisses»

 

Au cours des deux premières années de pâturage de ses génisses, Régis Geraud développe leurs défenses naturelles grâce à l’emploi raisonné des antiparasitaires.

 

«Mon objectif ? Ne plus rencontrer de pathologies liées aux strongles chez mes 110 vaches limousines, insiste Régis Geraud, installé à Juillac (Corrèze). Je cherche à développer l’immunité des génisses contre ces parasites au cours des deux premières saisons de pâturage. Pour ce faire, j’ai modifié mes pratiques pour les jeunes mâles et femelles en première et deuxième année de pâturage. Je ne fais pas l’impasse sur les traitements antiparasitaires, mais j’en raisonne l’emploi en ciblant la période maximale d’infestation.»

Les veaux nés à l’extérieur pendant l’automne ne reçoivent pas de traitement à l’entrée à l’étable. Ils ne sont pas infestés puisqu’ils tètent encore leur mère. Régis ne les traite pas non plus à la sortie d’étable, au printemps suivant, les prairies étant faiblement contaminées après l’hiver. Il intervient au sevrage, fin juin, alors que les veaux s’apprêtent à consommer plus d’herbe et à une période où la contamination des prairies augmente. Il applique une molécule à rémanence longue (doramectine ou moxidectine) en pour-on. «Je n’utilise pas de bolus, à cause de leur coût que je juge trop élevé», précise-t-il. Puis ses génisses partent sur des prairies de fauche, non contaminées par des adultes.

 

Interventions ciblées

Même régime pour les veaux nés en hiver. Ils ne reçoivent aucun traitement à la sortie au pâturage. «Seulement en août, au moment du sevrage, pour écrêter l’infestation», explique Régis. D’autant qu’à cette période, ils pâturent de l’herbe rase et ingèrent beaucoup de larves. «L’année suivante, j’interviens avec le même produit en août aussi. Et c’est tout ! A partir de la troisième année, elles sont immunisées et ne reçoivent plus aucun traitement.»

Régis organise aussi le pâturage de façon à éviter le passage d’animaux jeunes après des adultes. Les différents lots ne se croisent pas. Les génisses de deux ans tournent sur une quinzaine d’hectares au total, et les génisses pleines sur une vingtaine d’hectares. Les vaches suitées disposent de 80 hectares. Une fois leurs veaux sevrés, elles partent sur des prairies naturelles.

 

«J’économise un traitement par an»

«Avant, j’appliquais du pour-on en début d’été sur les veaux d’un an et les génisses de deux ans, alors qu’il n’y avait pas encore de danger. La rémanence du produit faisait qu’il cessait d’être efficace au moment où le pic d’infestation s’amorçait... Le deuxième traitement était quant à lui trop tardif. J’économise aujourd’hui un traitement par tête et par an ! A raison de 4 €/tête pour 115 animaux, je gagne 460 € et pour moins de travail. Et surtout, en ajustant la période, les animaux luttent plus efficacement contre les strongles. Leur croissance s’en trouve améliorée.»

 

Voir également Elevage allaitant: les traitements adaptés pour maîtriser le parasitisme (31.75 Ko).

 

La pression parasitaire au plus haut à la fin de septembre

Au printemps, les larves infestantes de l’année précédente sont peu nombreuses. Elles se multiplient dans le tube digestif des bovins, qui les ingèrent, puis qui rejettent leurs oeufs dans leurs bouses. Ces oeufs donnent naissance à une nouvelle génération de larves infestantes.

Les prairies deviennent très contaminantes fin septembre. Si le pâturage a lieu sur des repousses de fauche, les prairies sont considérées comme saines. De plus, une durée réduite de pâturage n’entraîne qu’une faible infestation des bovins. En revanche, un déprimage effectué par des bovins adultes conduit à une contamination importante des prairies, nuisible aux jeunes non immunisés qui leur succéderaient sur ces surfaces. La hauteur d’herbe aussi est fondamentale, les larves se fixant à la base des touffes.

Plus la prairie sera pâturée ras (moins de 5 centimètres), plus le risque d’infestation des bovins sera grand. Le surpâturage est donc contre-indiqué, en particulier à la fin de septembre.

Voir également Evolution de la contamination et de l'infestation en l'absence de traitements (48.16 Ko).

 

Traitements: peu d’innovations

Ces dernières années, des génériques sont apparus sur le marché, mais aucune molécule nouvelle n’a été découverte. Une seule nouveauté a vu le jour en 2005, l’allongement de la rémanence de la moxidectine, à 150 jours de durée d’action (contre 35 à 42 jours précédemment).

 

Parole d'expert: CHRISTIAN MAGE

«Encore trop de traitements systématiques»

«La gestion du parasitisme est encore trop souvent hasardeuse, avec des traitements excessifs et un pâturage mal organisé, regrette Christian Mage. Certains éleveurs recherchent une garantie maximale. Or, des traitements répétés, ou qui ne sont pas appliqués aux bonnes périodes d’infestation, ne permettent pas aux génisses d’acquérir d’immunité. Devenues adultes, elles risquent de développer une primo-infection grave en entrant en contact avec le parasite. C’est pour cette raison que la strongylose pulmonaire prend de l’importance dans les troupeaux laitiers depuis une douzaine d’années.»

 

 

« Je préfère assurer la sécurité maximale »

 

Faute de temps, Jean-Edouard Felgines préfère les traitements strongylicides tout au long de la carrière de ses vaches.

 

Il n’est pas toujours facile de respecter les conseils en matière de lutte contre les strongles. Jean-Edouard Felgines, sa femme Hélène et ses beaux-parents en font l’expérience avec leurs 42 prim’holsteins à Voutezac (Corrèze). « Faute de temps, de matériel de contention, et avec un parcellaire éclaté, je ne peux appliquer aucun traitement préventif, regrette-t-il. Mes prairies sont très dispersées, en petits îlots de 2 ha au maximum, dont certains sont distants de 5 km du corps de ferme… Comment voulez-vous organiser un pâturage cohérent?»

«L’absence de gestion du pâturage oblige Jean-Edouard à faire des traitements curatifs», confirme Jean-Michel Lavergne, son vétérinaire. Les jeunes génisses sont mises à l’herbe entre sept et neuf mois, sur une parcelle proche des bâtiments. Les vêlages ayant lieu toute l’année, Jean-Edouard forme trois lots, qui sortent en avril, juin et septembre. Tous subissent un déparasitage avec de l’éprinomectine en pour-on cinq semaines après leur sortie, puis à leur rentrée à l’étable. Il n’utilise plus de produits en application orale, moins faciles d’emploi.

 

Des traitements trop tardifs

«Les génisses qui sortent en avril sont traitées trop tard, souligne Jean-Michel Lavergne. Il serait judicieux d’avancer la première application d’éprinomectine à la mise à l’herbe et la deuxième huit semaines après. Lorsque Jean-Edouard les rentre pour l’insémination, au cours de l’été, il utilise un produit dont la rémanence n’a aucune utilité. Un anti-parasitaire à action immédiate, comme le fenbendazole, suffirait. Ceci dit, il a opté pour la simplicité avec le pour-on. Pour le lot de juillet, le mieux serait de traiter à la mise à l’herbe avec un produit rémanent, puis de nouveau huit semaines plus tard, poursuit le vétérinaire. Ou à la mise à l’herbe puis à la rentrée. Quant au troisième lot, qui ne pâture même pas trois mois, il pourrait ne pas les traiter du tout. Il est bon que les génisses se frottent un peu aux strongles, afin d’acquérir une immunité pour les saisons de pâturage suivantes.»

En deuxième année et au-delà, Jean-Edouard administre de l’éprinomectine au vêlage ou à la rentrée à l’étable. « Je ne respecte sûrement pas la méthode la plus efficace et la moins coûteuse, reconnaît-il. Pour les laitières et les génisses de deux ans, je pourrais peut-être arrêter tout traitement, d’autant que les vaches reçoivent une complémentation fourragère pendant l’été. Mais s’il ne s’agit que de supprimer le pour-on à l’entrée à l’étable sur dix génisses, ça ne joue que sur une centaine d’euros. » Et surtout, Jean-Edouard ne veut prendre aucun risque avec ses laitières à haut potentiel génétique. Sa tranquillité est à ce prix.

 

Voir également Elevage laitier : les traitements adaptés pour maîtriser le parasitisme (45.07 Ko)

 

 

«Les génisses ne pâturent jamais après les vaches»

 

En se convertissant à l’agriculture bio, Philippe Bonnelie a abandonné les strongylicides plus facilement grâce à ses grandes surfaces en herbe.

 

«Avec seulement deux traitements chimiques autorisés par animal et par an, il faut bien réfléchir aux interventions », explique Philippe Bonnelie. Installé à Saint-Privat (Corrèze), Philippe a choisi de supprimer les anti-parasitaires lorsqu’il s’est converti à l’agriculture biologique en 2002. Ses 107 ha tout en herbe pour ses 40 prim’holsteins et leur suite lui ont facilité la tâche. « Génisses et vaches ne pâturent pas les mêmes parcelles, détaille-t-il. Les génisses sortent à 15 mois sur 4 ha qui leur sont réservés. J’évite ainsi que ces surfaces soient contaminées par les adultes fortes excrétrices de strongles.»

Les femelles de deux ans sont conduites en pâturage tournant sur 20 ha. En automne, alors que la contamination des prairies est maximale, Philippe les laisse accéder à 20 ha de prairies de fauche saines. De leur côté, les laitières tournent sur 60 ha. Sur une telle surface, la pression parasitaire reste limitée. A son grand soulagement, Philippe n’a constaté aucune dégradation de l’état des animaux, ni de chute de production. « J’observe bien quelques diarrhées de temps en temps, mais rien qui nécessite un traitement. Quand il n’existe pas de problèmes majeurs, je préfère laisser l’organisme des vaches lutter un peu et acquérir son immunité.»

 

 

Douve et paramphistome: la prévention avant tout

«Je ne traite plus mes limousines contre la douve depuis trois ans, se félicite Régis Geraud. J’ai assaini les parcelles à risque - des prairies humides, en fond de vallon ou en bord de ruisseau - en les drainant. Depuis, les sérologies sont toutes négatives, bien que les vaches pâturent de nouveau ces surfaces. J’ai donc arrêté l’emploi du douvicide, le triclabendazole par voie orale, à l’entrée à l’étable. En revanche, je poursuis les analyses de sang. Je ne recommencerai le traitement qu’en cas de sérologiques positives qui trahiraient une nouvelle infestation. » De son côté, Jean-Edouard Felgines a condamné l’accès des parcelles humides aux animaux. Elles sont désormais réservées à la fauche. Cette mesure s’est révélée efficace et s’est soldée par l’abandon du nitroxinil qu’il appliquait aux bovins qui lui semblaient atteints, au tarissement ou à la rentrée à l’étable. Il est cependant bon de vérifier régulièrement, par analyse de sang, si le troupeau est toujours indemne du parasite.

Régis Geraud est également confronté au paramphistome depuis une dizaine d’années. «Contre ce parasite, l’assainissement de mes parcelles n’a pas suffit, constate-t-il. Les analyses coprologiques sont toujours positives.» Seulement, face au paramphistome, la pharmacie s’avère encore un peu vide... Seul l’oxyclozanide fonctionne, mais à une concentration non prévue par l’autorisation de mise sur le marché (AMM) de cette molécule. «Je traite tous les bovins de plus de 12 mois à leur rentrée à l’étable, début décembre par voie buccale, poursuit Régis. Cela me coûte 2,40 € par tête. J’arrêterai dès que la pression parasitaire diminuera, quitte à reprendre si les analyses indiquent de nouveau la présence du paramphistome.»

par Elsa Casalegno

(publié le 24 février 2006)



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