accueil  Accueil / Elevage / Technique / Grands dossiers / Parasitisme: viser l'immunité / Contre les strongles, on peut associer immunité et optimisation des performances au pâturage
Grands dossiers

Article 2 :

Contre les strongles, on peut associer immunité et optimisation des performances au pâturage

L’utilisation des traitements antiparasitaires en première année de pâture doit se faire avec le plus grand soin pour maîtriser l’infestation, mais aussi constituer une immunité qui autorisera l’animal à être en équilibre avec les parasites.

La gestion du parasitisme des bovins est un sujet sensible. Economiquement d’abord, car les anthelminthiques sont le deuxième poste d’investissement médicamenteux en élevage. Sur le plan sociétal ensuite, car s’impose une tendance forte à l’utilisation raisonnée des médicaments, au concept d’agriculture durable, à l’équilibre des biotopes et à la réduction des résidus environnementaux et alimentaires. Dans un très proche avenir, l’emploi de médicaments devra être validé techniquement et scientifiquement. Et leur utilisation systématique risque d’être proscrite en l’absence d’analyse préalable du risque. C’est déjà le cas en Europe du Nord.

Pour autant, vermifuger restera, dans la plupart de nos conditions d’élevage, incontournable. En effet, l’absence de traitement antiparasitaire en adéquation avec la conduite du pâturage a des répercussions zootechniques marquées. Ainsi, la comparaison des croissances dans les essais relatifs aux protocoles antiparasitaires préventifs montre des différences de plusieurs dizaines de kilogrammes à la rentrée en stabulation en faveur des animaux traités. Il est vrai qu’en première année de pâture, les parasites pénalisent toujours les animaux, quel que soit le niveau d’infestation.

L’éleveur a donc intérêt à contenir la population parasitaire à un niveau non seulement infraclinique mais surtout compatible avec les performances zootechniques exigées par le mode d’élevage. En revanche, en seconde année de pâture, les faibles charges parasitaires n’induisent pas de pertes. On peut donc tolérer un certain niveau d’infestation, bien qu’il faille le moduler avec l’immunité acquise l’année précédente (voir ci-dessous ).

 

L’immunité, ça s'entretient

"Ostertagia", l’un des responsables des strongyloses digestives et principal parasite bovin, utilise plusieurs stratégies pour retarder le développement de l’immunité. La larve au stade de croissance 3, ingérée à partir de l’herbe, est la plus longue à être reconnue par le bovin. Il faut entre six et huit mois de contacts réguliers pour que l’animal en interdise l’implantation. "A contrario", la larve au stade 4 est reconnue en deux à trois mois et le bovin la bloque en vie ralentie (hypobiose larvaire). Les adultes, de 10 à 12 mm, qui se nourrissent et pondent, sont reconnus en quelques semaines. Leur taille est réduite et leur ponte limitée avant leur expulsion.

L’immunité ainsi constituée (dite de prémunition) ne s’entretient qu’en présence de parasites. La vermifugation ou l’absence de contact parasitaire tendent donc à la réduire progressivement. Si l’on veut à terme s’affranchir de l’utilisation systématique d’antiparasitaires, il faut que l’animal prenne le relais via ses propres défenses immunitaires. Seuls sont concernés les bovins dont la carrière est envisagée comme pérenne.

Pourquoi faut-il constituer de l’immunité pendant la première saison de pâture? Parce que l’acquisition d’un niveau minimal d’immunité en fin de première saison d’herbe permet d’éviter les pertes de croissance en deuxième saison. Mais aussi pour empêcher l’accumulation non contrôlée de larves hypobiotiques au stade 4, dont la reprise de développement peut provoquer une gastrite aiguë (l’ostertagiose de type 2), en particulier lors du premier vêlage.

Le contact parasitaire hivernal est une solution partielle mais fort utile à la constitution et au maintien de l’immunité. En fin de saison de pâture, si la charge parasitaire est faible (à objectiver par un dosage du pepsinogène sérique), il est possible de surseoir au «traitement de rentrée» à l’aide d’un endectocide (l’ivermectine et ses cousins). Cela permet, selon l’option retenue (absence de traitement ou administration d’un benzimidazole), de conserver une population parasitaire réduite et sans danger pendant l’hiver. Si, en stabulation et en l’absence d’accès au pâturage, le contact avec les stades 3 est impossible, le maintien dans la caillette d’une population parasitaire au stade 4 est très favorable. Un certain nombre d’entre elles évoluent régulièrement jusqu’au stade adulte avant d’être expulsées par la réaction immunitaire. Cela permet de conserver une mémoire immunitaire intacte et performante vis-à-vis des stades 4 et des adultes tout au long de l’hiver. Et ce, jusqu’à la prochaine mise à l’herbe. Seule l’immunité vis-à-vis des larves 3 décline. Dans tous les cas, en première année de pâture, on adaptera les traitements à l’élevage.

 

Comment traiter en climat océanique

Ainsi, en conditions favorables de climat océanique avec une pousse régulière de l’herbe sur la saison, la conduite des veaux nés en fin d’automne et en début d’hiver sur une seule parcelle (full grass) aboutit à une succession rapide des générations larvaires (3 ou 4) à partir de la fin de juin. Le pic de contamination de la parcelle se situe en fin d’été avec une charge parasitaire qui entraîne des pertes zootechniques dès le milieu de l’été (août en moyenne). Pour contrer ce phénomène, le meilleur compromis entre efficacité de la maîtrise du recyclage parasitaire et faisabilité pour l’éleveur réside alors dans une prévention du contact parasitaire qui permette aux animaux de ne commencer à s’infester qu’à partir de la fin de juillet.

Plusieurs possibilités s’offrent dès la mise à l’herbe. Pose de diffuseurs de trois mois (Farmintic Repidose, Chronomintic)* ou quatre mois et demi de durée d’action (Panacur Bolus)*. On peut aussi traiter en injectable avec de la moxidectine longue action (Cydectine LA)*. On peut enfin envisager un traitement "pour on" *, le jour de la mise à l’herbe et six ou huit semaines après. Avec de l’ivermectine ou de l’éprinomectine dans le premier cas et de la doramectine ou de la moxidectine dans l’autre.

La population parasitaire qui subsiste sur le pâturage à la fin de juillet suffit à permettre l’installation d’une immunité lors de la deuxième partie de la saison de pâturage. Selon la durée de la saison d’herbe et les résultats du dosage du pepsinogène sérique, il est souvent possible d’alléger le traitement de rentrée, permettant ainsi de conforter, en cours d’hiver, l’immunité vis-à-vis des larves 4 et des adultes d’"Ostertagia".

La logique à suivre est différente en climat continental. En effet, la sécheresse estivale a deux conséquences sur la dynamique parasitaire. La population parasitaire sur le pâturage à partir du milieu de l’été est quasi nulle et la deuxième génération de larves n’apparaît en effectif réduit qu’à la reprise des pluies. Toutefois, le délitement des bouses par la reprise des pluies peut libérer de façon synchrone les larves et déclencher un épisode clinique. Dans ce cas, c’est le début de la saison d’herbe qui permet le premier contact avec les parasites. Le traitement médical, d’une durée d’action adaptée à l’échéance de la saison de pâture, doit être appliqué au moment de la reprise des précipitations. Les réinfestations de fin de saison, couplées à une modulation du traitement de rentrée, doivent permettre la relance et l’entretien de la compétence immunitaire de l’animal.

 

Traitement de rentrée modulable

Si, comme c’est souvent le cas, les animaux en première année de pâturage sont sortis sur une parcelle, puis conduits, en juillet, sur des repousses avant un retour sur la parcelle initiale au début de septembre, le défi parasitaire, en l’absence de traitement médical, est naturellement réduit de 50%. Dans un climat océanique, une prévention médicale courte (un endectocide pour-on)* à la mise à l’herbe, suivie d’un traitement avec un benzimidazole* au moment du retour en fin d’été sur la parcelle de mise à l’herbe (dose and move), permet une parfaite maîtrise du recyclage et de l’infestation parasitaires à coûts médicaux et humains réduits. Il autorise également un contact parasitaire inducteur d’immunité. A nouveau, le traitement de rentrée est modulable.

Si, maintenant, les animaux tournent sur trois parcelles avec une rotation assez lente pour permettre leur assainissement (entre trois et cinq semaines par parcelle selon la croissance herbacée), le défi parasitaire est considérablement réduit (de 70 à 80% par rapport à une conduite en full grass). Les conséquences zootechniques sont alors minimes dans un climat continental. Seul un éventuel traitement à la rentrée est à envisager. En revanche, si se succèdent un printemps et un été humides, le deuxième retour en fin d’été sur la parcelle de mise à l’herbe peut nécessiter un traitement rémanent (endectocide). En effet, à ce moment-là, les populations parasitaires au sein des hôtes et sur le pâturage sont proches de niveaux pathogènes.

_____ 

(*) Produits soumis à prescription vétérinaire.

 

L’absorption et la digestion des aliments perturbées

Les strongles intestinaux, par leur action érosive, diminuent la digestion et l’absorption des aliments. "Ostertagia", qui provoque des lésions des glandes gastriques, entraîne une élévation du pH du contenu stomacal. L’animal réagit en sécrétant de la gastrine. La vocation de cette protéine est de stimuler la sécrétion d’acide chlorhydrique par l’estomac mais elle entraîne aussi une hyperplasie de la caillette. Afin de permettre une meilleure acidification du contenu de l’estomac, elle réduit la vidange réticulo-ruménale dans la caillette de façon à ce que moins d’aliments pénètrent en un laps de temps donné. L’une des conséquences est la réduction de l’appétit qui peut atteindre 60%!

 

Ce qu’il faut faire en deuxième année de pâture

Pour la deuxième année de pâturage, la gestion des traitements antiparasitaires doit se décider en pesant le défi parasitaire imposé aux animaux et le niveau d’immunité résiduelle au moment de la mise à l’herbe. Si le contact parasitaire s’annonce limité (pâturage peu contaminé mais surtout conduite extensive avec plus de 25 ares par animal), quel que soit le niveau d’immunité acquis, le risque parasitaire est négligeable et seule une vermifugation au vêlage sera justifiée. En revanche, si le chargement est élevé, deux cas de figure se présentent. Si les animaux sont encore immunisés, une seule génération parasitaire voit le jour. Très rapidement, l’ensemble de la population parasitaire de la caillette est bloqué au stade 4. Il faudra vermifuger au vêlage. Dans le cas contraire, deux voire trois générations parasitaires peuvent se succéder conduisant, en début de saison de pâture, à des retards de croissance et, en fin de saison, à une accumulation de larves au stade 4 hypobiotique, prêtes à se réveiller au vêlage. Il est alors préférable d’agir comme en première année de pâture.

Revenir plus haut

 

 

Vaches laitières: faut-il ou non les vermifuger?

 

Vermifuger les laitières peut, dans certains cas, se justifier. Mais avant d’envisager des bénéfices sur la production, il convient de maîtriser les autres facteurs limitants.

 

Chez la vache laitière, la charge parasitaire en strongles est généralement réduite et constituée surtout de larves d’Ostertagia (au stade 4) qui vivent au ralenti. Toutefois, sur des individus dont le métabolisme de production peut être dix fois plus élevé que le métabolisme d’entretien, ce n’est pas tant la charge parasitaire qui compte que la réaction à l’infestation. Elle se traduit souvent par des phénomènes d’hypersensibilité qui réduisent l’appétit. Ainsi, il a été montré récemment que les animaux (et les troupeaux) qui montraient les réactions sérologiques les plus élevées vis-à-vis des parasites tiraient un bénéfice supérieur des traitements antiparasitaires en matière de production laitière. Inversement, traiter au mauvais moment peut aggraver le risque. C’est le cas des élevages qui pratiquent une vermifugation systématique au tarissement… Une option à proscrire. En effet, on réintroduit toute l’année des animaux qui ont perdu une partie de leur immunité. Ceux-ci recyclent alors les parasites et augmentent le risque parasitaire pour le troupeau.

Dans la majorité des conditions d’élevage, ce n’est pas le parasitisme mais l’alimentation, la conduite d’élevage, le logement ou l’état sanitaire des animaux qui sont les facteurs limitants de la production laitière. Il importe donc de les maîtriser avant d’envisager des bénéfices notables après vermifugation.

 

Deux stratégies majeures

Lorsque tout est réglé ou que le parasitisme par les strongles est assez important pour limiter la production, il est légitime de considérer le traitement antiparasitaire comme un outil intéressant.

Deux stratégies sont alors envisageables. Dans les troupeaux à production élevée ou dans lesquels l’immunité des primipares est insuffisante, la mise en place d’un traitement d’éprinomectine (*) trois semaines après la mise à l’herbe est intéressante. Ce traitement élimine les parasites présents et limite le recyclage parasitaire pendant six semaines. Il permet enfin une réinfestation progressive des animaux, de même qu’il contrôle les réinfestations (précoces) par "Dictyocaulus viviparus" (bronchite vermineuse). Dans les troupeaux à production moyenne, seul le traitement des primipares et des hautes productrices sera envisagé, avec de l’éprinomectine trois semaines après le lâcher, ou au vêlage s’il a lieu au pâturage. On utilisera un benzimidazole (*) si le vêlage a lieu en stabulation.

_____ 

(*) Soumis à prescription vétérinaire.

 

par Philippe Camuset, vétérinaire dans la Seine-Maritime et membre de la commission de parasitologie de la SNGTV

(publié le mars 2007)



SERVICES EXPERTS

>Première inscription

Je suis déjà inscrit :
Mon identifiant :
Mon mot de passe :  
| Aide |
puce Identifiants oubliés ?
puce Toutes les offres d'abonnement
> Feuilletez un ancien numéro

SONDAGE

Santé animale : avez-vous enregistré des cas d'antibiorésistance dans votre élevage ?

> Tous les Sondages
Les sujets
LES PLUS LUS

Archives de
La France Agricole

Recherchez

dans les archives de la France Agricole et

Feuilletez

les numéros depuis 2004

Suivez La France Agricole :
la France Agricole sur Facebook La France Agricole sur twitter La France Agricole sur Google +

Nos offres d'abonnement
simples ou couplées,
à nos publications
hebdomadaires
et mensuelles

> Découvrir nos Offres

Les publications du Groupe France Agricole
En poursuivant votre navigation sur notre site, vous acceptez l’utilisation de cookies afin de nous permettre d’améliorer votre expérience utilisateur. En savoir plus et paramétrer les traceurs. OK