Publié le vendredi 20 mars 2015 - 16h52
L'Institut de droit rural de Poitiers a poursuivi vendredi son colloque consacré à l'évolution des rapports entre agriculture et ville. La veille, juristes, chercheurs, conseillers d'entreprise et acteurs du monde agricole se sont concentrés sur les problèmes juridiques survenant quand les villes débordent sur les champs, ou bien, à l'inverse, quand l'agriculture s'invite en ville.
Nouvel angle plus positif lors de cette seconde journée, avec une étude des services rendus par les agriculteurs aux citadins et leur appréhension par le droit (1).
Pour Morgane Reverchon-Billot, de l'université de Poitiers, « on peut diviser ces services en deux catégories : les services aux particuliers (activités de loisir et services d'hébergement) et les services d'intérêt public, comme la production énergétique (développement des unités de méthanisation...), la gestion des déchets de la ville (compostage, boue d'épuration...), ou encore l'approvisionnement local des cantines ».
Tout cela offre de nouvelles perspectives. Par exemple : « le développement de régies municipales agricoles dans différentes villes, notamment à Toulouse, qui poursuivent divers objectifs, dont nourrir la ville par sa propre production ». Sur les relations avec les particuliers, outre les gîtes ruraux et chambres d'hôtes, « on peut tout à fait imaginer des locations autres que touristiques, a-t-elle précisé. L'association Campus vert propose par exemple aux agriculteurs de rénover leurs bâtiments inutilisés pour loger des étudiants ». Avec ici une mise en garde adressée par les urbanistes en ce qui concerne la destination des bâtiments agricoles...
Nouveaux circuits de distribution, nouvelles règles
Parmi les symboliques initiatives illustrant la convergence d'intérêts entre villes et campagne : le développement des circuits alternatifs de distribution. Ces derniers soulèvent des questions en ce qui concerne la qualification juridique de l'activité.
« Vendre ses produits est considéré comme une activité agricole et civile, au même titre que la transformation, l'accueil ou la production énergétique », a rappelé Gabrielle Rochdi, maître de conférences à l'université de Poitiers. Mais jusqu'où peut-on étendre son activité de vente ? »
« La ville devenant un débouché durable pour l'agriculteur, celui-ci doit répondre à cette nouvelle demande et il peut être amené à se fournir dans des exploitations extérieures pour compléter sa gamme. La question qui se pose est alors de savoir à partir de quand il change de statut et devient commerçant », a-t-elle relevé. Les conséquences sont importantes, comme le montre l'exemple des Amap, qui se retrouvent assujetties au régime des bénéfices industriels et commerciaux, et non au régime des bénéfices agricoles.
Quoi qu'il en soit, « le producteur en circuit court doit se soumettre aux règles de gouvernance sanitaire et alimentaire ». Sur ce point, Marine Friant-Perrot, de l'université de Nantes, a souligné la nécessité d'adapter le cadre juridique existant aux circuits courts. « Il n'y a pas, selon elle, de règles spécifiques en matière sanitaire. Du coup, les règles d'hygiène favorisent les circuits géographiquement longs, notamment en ce qui concerne l'abattage des bêtes ».
Impliquer les GIEE pour encadrer les relations
Intervenant au terme de ce riche colloque, l'économiste Jacques Mathé a souligné l'hétérogénéité des projets liant agriculture et ville. « Dans ces expériences, à la campagne ou à proximité des villes, les modèles économiques se cherchent encore, a-t-il relevé. J'observe beaucoup d'idéalisme. C'est tout à fait respectable, mais la mise en œuvre des idées pose un problème, parce que les porteurs sont mal accompagnés, sur le business-plan notamment ».
Parmi les défis à relever pour vivre de son activité, on trouve selon lui : « l'exigence astronomique de qualification », « la fixation des prix de vente », le « sous-dimensionnement des projets »... A mettre en perspective avec « le potentiel de succès » des projets, car « la demande est là ! »
Se pose en particulier la question de savoir comment organiser les nouvelles relations qui se dessinent, de la distribution alimentaire à la production énergétique. Un élément de réponse suggéré par Denis Rochard, directeur de l'Iinstitut de droit rural : les GIEE. Cet outil juridique instauré par la loi d'avenir agricole permet de réunir dans une même structure des exploitants, des personnes morales de droit public, d'autres de droit privé...
« Pour les agriculteurs, cela ouvre droit à une majoration des aides au titre du second pilier de la Pac. Et pour les personnes morales, cela leur permet de porter un projet de territoire », a noté Denis Rochard. Les premiers exemples de GIEE semblent hélas ne pas suivre cette voie : « Sur les six déjà créés, un seul associe agriculteurs et non-agriculteurs », a regretté l'universitaire, visant le groupement « Robins des Champs », qui œuvre à la construction d'une filière locale blé-farine-pain.
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(1) Les actes de ce colloque seront disponibles et mis en vente « après l'été », ont indiqué les organisateurs, marquant leur volonté de faire bénéficier au plus grand nombre les travaux de ces deux journées.
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