Plusieurs centaines de personnes faisaient la queue mardi, place de la République à Paris, devant un camion-citerne contenant 22.000 litres de lait pour remplir leurs bouteilles, une distribution gratuite organisée par des éleveurs de la Confédération paysanne pour attirer l'attention sur la crise du secteur.
«Des gens meurent tous les jours de faim en France, c'est beaucoup mieux de distribuer que de jeter la marchandise et nous avons sollicité 300 familles pour qu'elles viennent chercher du lait», a expliqué Christian Causse, directeur de la logistique au Secours populaire, à l'origine de cette initiative à laquelle s'est ralliée la Confédération paysanne.
«J'ai décidé de faire don du lait car, à mes yeux, jeter le lait ce n'est pas acceptable», a confié Frédéric Guillemain, éleveur de la baie du Mont-Saint-Michel venu avec d'autres producteurs pour expliquer au public les difficultés auxquelles la profession est confrontée à cause de l'effondrement des prix du lait.
«Mais il faut comprendre les producteurs qui ont été contraints de jeter le lait car il est impossible que tous les gens consomment des millions de litres en deux jours», a-t-il ajouté, précisant que le lait distribué avait été collecté auprès de producteurs de la Manche.
Une «grève du lait» est observée depuis douze jours par une partie des producteurs français et européens, pour dénoncer notamment la baisse des prix. Les grévistes ont multiplié les actions d'épandage du lait, des opérations qui peuvent être mal comprises par l'opinion.
«Les producteurs sur le terrain n'ont plus à rien à perdre. Il y a une détermination que j'étais loin d'imaginer», a expliqué Yves Leperlier, responsable de la commission laitière à la Confédération paysanne, lors de la distribution organisée à Paris.
«ll y a vraiment une révolte des producteurs en France et en Europe. Aujourd'hui, le prix du lait payé en Europe est vraiment au-dessous des coûts de production», a -t-il ajouté.
«Il faut absolument que, dans les deux ou trois jours qui viennent, les politiques annoncent des mesures qui vont dans le bon sens. Sinon, la filière laitière va être complètement paralysée en Europe à la fin de la semaine», a estimé Yves Leperlier.
Beaucoup des personnes venues chercher du lait mardi, à Paris, ont dit comprendre le mouvement de grève mais pas l'épandage.
«J'ai été écoeurée qu'en temps de crise, on gaspille comme ça. Maintenant qu'ils nous donnent le lait, je soutiens totalement les producteurs», a expliqué Samia Dekhiter, employée de la Poste.
«Cette fois-ci, c'est une action intelligente. Je suis prêt à revenir toutes les semaines et à payer 30 centimes le litre directement aux producteurs. Cela fera un pied-de-nez à la grande distribution qui s'en met plein les poches», renchérit Dominique, qui a prévu de remplir une dizaine de seaux et de les ramener chez elle en chariot.
Loin des revendications paysannes, certaines personnes, comme Magali, une jeune femme à la recherche d'un emploi, s'étaient juste déplacées «pour le plaisir de goûter du lait frais qui vient directement du producteur». D'autres pour des raisons financières.