En ce début de semaine, Bruno Le Maire n'avait qu'un mot à la bouche : « solidarité ». Une solidarité sollicitée à tous les niveaux pour traverser la crise.
L'Etat, tout d'abord, a levé tous les obstacles administratifs sur l'utilisation des jachères et des MAE pour accroître l'offre en fourrages.
Le Fonds national de gestion des risques en agriculture (anciennement Fonds de garantie des calamités agricoles) se réunira dès le 15 juin 2011 afin que les indemnisations soient versées dès le 15 septembre 2011.
Sont concernés les éleveurs ayant subi une perte de revenu supérieure à 30 % par rapport à la moyenne des années précédentes. Ils devraient être nombreux.
Alors que le Fonds dispose actuellement de 90 à 100 millions d'euros, le ministre a estimé la facture à « plusieurs centaines de millions d'euros ». On ne sait pas encore par quels moyens le fonds sera complété.
Une quarantaine de départements a « organisé la solidarité » sur le terrain via des contrats paille. « Plus d'un million de tonnes de paille a été mis à disposition à un prix maximum garanti de 25 €/t sur champ », a indiqué le ministre. Les préfets peuvent interdire localement le broyage des pailles si les céréaliers ne jouent pas le jeu.
La SNCF a également répondu à l'appel. La création d'une cellule logistique devrait faciliter le transport de paille sur de longues distances. Les conditions tarifaires ne sont pas fixées.
Les banques, en particulier le Crédit agricole, ont consenti un effort de 700 millions d'euros sous la forme de prêts de trésorerie à un taux de 1,5 % pour les jeunes agriculteurs et de 2 % pour les autres. Il s'applique « immédiatement, de manière automatique et sans conditions ».
Du côté des assurances, Groupama notamment a accepté d'étendre la garantie responsabilité au transport et à la manipulation de paille. Les dossiers d'assurance récolte déposés par des jeunes agriculteurs entre le 15 avril et le 15 mai seront étudiés à nouveau.
La MSA débloque 80 millions d'euros pour reporter les cotisations de juin de tous les éleveurs. Elle étudiera à l'automne les possibilités de prise en charge de cotisations, selon l'évolution de la situation. Elle demande par ailleurs aux pouvoirs publics de relever les plafonds de minimis, jugeant qu'ils « ne permettent pas d'attribuer des aides financières à la hauteur de la gravité de la crise ». A la demande du ministère, la MSA va également renforcer la cellule de prévention du suicide.
Les différents acteurs économiques sont sollicités pour éviter un effondrement des cours de la viande dû à la décapitalisation du cheptel bovin, en respectant notamment l'accord du 3 mai 2011. Celui-ci stipule que les variations excessives de prix dans l'alimentation animale doivent être prises en compte dans les négociations commerciales. La publication des indicateurs servant de base objective aux négociations a été annoncée par le ministre pour la fin de la semaine, soit le 3 juin 2011.
Auprès de Bruxelles, Paris a obtenu le versement anticipé au 16 octobre 2011 de 80 % des PMTVA, 50 % des DPU et 50 % des aides aux éleveurs caprins et ovins. Le ministre a promis d'aller plus loin « s'il le faut », en demandant notamment « des mesures de stockage ou de restitutions » pour soutenir les cours de la viande.
Par ailleurs, à la demande de la France, soutenue par dix Etats membres, un groupe de travail européen a été créé pour donner des perspectives au secteur bovin. « Je crois à l'élevage en France, a encore martelé le ministre. Et s'il fallait aller plus loin, nous répondrions à nouveau présent et prendrions des mesures en plus. »
Toutefois, l'instauration d'un impôt sécheresse, comme en 1976, n'est pas envisagée.
Suspendre ses prêts L'Association française des usagers des banques rappelle que les agriculteurs confrontés à des difficultés financières peuvent demander la suspension de leurs prêts personnels pour une durée maximum de 24 mois, sans frais ni intérêts (article L. 313-12 du code de la consommation). Les échéances suspendues sont reportées au terme du prêt, prorogé d'une durée équivalente. |
Les syndicats en attendent davantage Les mesures annoncées répondent partiellement aux attentes de la profession. La FNSEA avait demandé que les banques avancent le montant de la PMTVA (estimé à 710 millions d'euros), que le transport de la paille soit organisé et que Bruxelles soit sollicitée. L'autorisation de retourner les prairies permanentes lui a été refusée. Des questions restent en suspens, comme les dérogations pour l'approvisionnement des éleveurs bio ou sous label. Xavier Beulin ne demandera pas d'aide financière à l'Etat avant la fin de l'été, le temps de faire le bilan. La Confédération paysanne salue la rapidité de réaction du ministre mais s'avoue déçue. « La vraie solidarité serait que toute la filière contribue à ce que de l'aliment pas cher arrive dans les fermes. C'est-à-dire moins de 60 €/t pour la paille et moins de 110 €/t pour les céréales. » Alors que beaucoup d'éleveurs « sortent déjà d'une période difficile et n'ont même plus accès au crédit », le prêt de trésorerie ne satisfait pas non plus l'organisation syndicale. Même déception à la Coordination rurale qui demande une « année blanche » au lieu d'un nouveau sursis pour les agriculteurs. Le Modef réclame en plus l'intervention de l'Etat sur le marché de la viande bovine : suspension des importations, fixation d'un prix plancher et stockage à l'intervention. |
par Bérengère Lafeuille (publié le 1er juin 2011)
Nos offres d'abonnement
simples ou couplées,
à nos publications
hebdomadaires
et mensuelles
Découvrir nos Offres