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Article 12 :

Sécheresse : face à l'urgence la riposte s'organise

La profession organise l'échange de fourrages et attend des mesures des pouvoirs publics. La MSA a décidé de donner un coup de pouce.

« Au lieu de faire la fourmi, je fais la cigale, se désole Jacques Aupetit, producteur laitier en Charente. Depuis la mi-mai, les vaches consomment la coupe de foin d'avril, qui devrait tenir jusqu'au début d'août. Puis je passerai au maïs et, à la fin de septembre, la dérobée de moha prendra le relais. Je prévois 30.000 € d'achats supplémentaires de foin et de paille. »

Dans son département comme en Charente-Maritime, les premières coupes d'herbe accusent une baisse de rendement de 50 %, parfois davantage. Plus rien ne pousse et nul ne sait s'il y aura une deuxième coupe. En orge d'hiver, les rendements sont de 15 à 25 q/ha.

En Lozère aussi, avec une récolte de foin amputée de 80 %, les éleveurs vivent au jour le jour. « Depuis le début de mai, nous avons chaque jour des commandes pour 250 t de paille », explique Luc Alméras, président du groupement d'achat Lozère d'avenir. Du jamais vu pour la structure qui se démène pour alimenter au moins cher 600 éleveurs. Bien négociée, la ration sèche en provenance de l'Espagne revient à 205 à 235 €/t et la paille du Midi à 80 €/t livrée.

 

Jachères et prairies

Le ministre a autorisé, le 11 mai 2011, le fauchage immédiat des jachères et de parcelles engagées dans certaines MAE, sans attendre le 15 juin 2011. Mais l'utilisation des jachères et des bordures, comptabilisées comme éléments topographiques, ne suffit pas et la décision a été prise beaucoup trop tardivement car certains départements avaient déjà fauché à cause de la réglementation (interdiction de 40 jours qui démarrait parfois au 1er mai 2011).

Le 19 mai 2011, lors du comité de suivi hydrologique hebdomadaire, appelé également « comité sécheresse », la FNSEA a demandé au ministère des allègements administratifs pour autoriser le retournement des prairies temporaires. Et ce afin de semer une dérobée, moyennant l'engagement de réimplanter la prairie ensuite.

 

Mise en relation

Sur le terrain, les syndicats et les organisations professionnelles (chambres d'agriculture, coopératives, Cuma...) encouragent les agriculteurs à mettre à disposition leurs jachères et la future paille. Avec des sites internet ou par téléphone, ils mettent en relation offreurs et demandeurs. Avec plus ou moins de succès... que certains expliquent par de l'indifférence ou une amertume liée au bilan de santé de la Pac.

« En Charente, la solidarité joue à fond, se réjouit Yohan Delage, vice-président de la chambre d'agriculture. Des centaines de céréaliers nous ont contactés pour mettre à disposition leurs jachères. » (Lire Sécheresse : dans le Poitou-Charentes, bras de fer autour de l’eau)

Certains éleveurs préfèrent attendre les orages et se donnent jusqu'à juin pour évaluer leurs besoins. Avec le risque d'une offre réduite et de la spéculation. « Il faut se mobiliser sans attendre et anticiper la logistique », recommandent plusieurs professionnels.

 

Broyage de la paille, un point de discorde entre les syndicats.

Pour préserver la ressource, le Modef et la Confédération paysanne appellent les pouvoirs publics à interdire le broyage des pailles. La FNSEA s'y oppose. « Cette année, ce serait une erreur, assure Régis Chopin, céréalier et président de la FDSEA de l'Eure. On laissera des andains partout et ce sera un gaspillage énorme. » Avec, à la clé, des difficultés pour implanter la culture suivante. Et le risque de laisser de mauvais souvenirs et des rancœurs.

Debout dans une parcelle de blé, Régis Chopin estime le rendement à 1 tonne de paille par hectare dans ses « petites terres ». « Ici, les moissonneuses travaillent sur une largeur de 6 mètres, observe-t-il. Cela vaudra-t-il la peine de ramener trois andains en un pour le pressage ? »

« Non, lui répond Gilbert Michel, vice-président de la FDSEA de la Manche. Andainer avant de presser, c'est la garantie d'une paille de piètre qualité. Et au bout du compte, c'est l'éleveur qui paiera et qui sera mécontent. »

Jusqu'ici, la décision appartient au préfet de chaque département. La Corrèze a interdit le broyage, d'autres devraient suivre. Pour l'instant, le ministre mise sur la solidarité.

 

Un contrat de vente de paille

« Nous voulons montrer aux pouvoirs publics que ce qu'on leur demande au G20 pour lutter contre la spéculation, nous sommes capables de le faire entre nous », a lancé Dominique Barrau, secrétaire général de la FNSEA, le 20 mai 2011, lors d'un déplacement dans l'Eure où il présentait un modèle de contrat de vente de paille en andain. (voir le Modèle de contrat de vente de paille en andain entre céréalier et éleveur)

Le vendeur s'engage à fournir une quantité de paille à ramasser de « qualité saine, loyale et marchande de la récolte de 2011 » à un tarif négocié entre les deux parties. La FNSEA et JA avancent un prix de 20 à 22 €/t en andain. Le président de la FDSEA est cosignataire, « afin de garantir la bonne fin du contrat ».

Ce contrat peut aussi s'appliquer à un échange paille contre fumier. À la signature, l'acheteur verse un acompte de 50 %, le paiement du solde intervenant à la fin du mois de réception de la facture. Les travaux de pressage, de regroupement, de chargement et de transport sont à la charge et à la responsabilité de l'acheteur. Ce dernier s'engage sur la date d'enlèvement.

Le contrat intègre aussi les conditions de résiliation. Si cette dernière est le fait de l'acheteur, il perd l'acompte. Quand c'est le vendeur qui ne respecte pas ses engagements, il verse une indemnité équivalente au double de l'acompte.

Ce type de contrat peut donner des idées pour la cession de céréales ou de maïs à ensiler.

 

Les demandes financières de la profession

Si l'affourragement s'organise, encore faut-il pouvoir le payer ! Consciente des problèmes de trésorerie des élevages allaitants, la FNSEA a pourtant décidé de n'aborder les conséquences économiques de la sécheresse avec le gouvernement qu'après le 15 juin 2011. Le temps de disposer de premières estimations des conséquences de la sécheresse sur les récoltes de fourrage, de paille et de culture de vente.

« Nous ne voulons pas d'annonces financières trop rapides qui ne profitent pas aux agriculteurs », complète Dominique Barrau, rappelant qu'en 2003, quelques jours après l'annonce par le ministre d'une aide au transport de la paille de 40 €/t, son prix a grimpé de 45 €/t. De son côté, face à un début de décapitalisation, la Fédération nationale bovine se bat pour stabiliser les prix à la production via « un renforcement de l'exportation » et un stockage européen.

Pour la Coordination rurale, « il faut un plan de soutien financier urgent ! On ne tiendra pas quatre mois, jusqu'au versement des aides PMTVA à la mi-octobre », alerte Alain Pouget. « La faiblesse des trésoreries est la preuve de l'échec du plan de soutien qui a saupoudré des aides sans régler les problèmes de restructuration de l'endettement », répète Philippe Collin, de la Confédération paysanne.

Pour les deux syndicats minoritaires, la solution ne viendra pas d'un nouveau prêt de trésorerie. La position de Bruno Le Maire, qui s'est contenté, le 18 mai 2011, d'un appel aux banques « à se mobiliser pour trouver des réponses concrètes » aux agriculteurs les plus en difficulté, ne les rassure pas vraiment.

Alors des départements ou des Régions font un geste. Ségolène Royal, présidente du Poitou-Charentes, a promis, le 19 mai 2011, un fonds d'aides d'urgence de 5 millions d'euros pour les éleveurs en difficulté et ceux qui se lancent dans des cultures de plantes fourragères résistantes à la sécheresse.

 

La MSA accorde des délais de paiement

« Nous portons une attention particulière aux éleveurs qui rencontrent des difficultés. Je voudrais qu'ils n'hésitent pas à faire appel à nous pour un soutien, un conseil et un accompagnement dans leurs droits », insiste Gérard Pelhate, président de la MSA, en débloquant 110 millions du fonds d'action sanitaire.

« Ceux qui auront des difficultés à payer leur appel à cotisation de juin pourront demander un report jusqu'après l'été à leur caisse MSA, en le justifiant simplement. Idem pour repousser le paiement des cotisations patronales des employeurs. Nous ferons le point en octobre. À cette date, nous pourrons aussi prendre en charge des cotisations. »

Problème : la plupart des éleveurs ont déjà touché le montant maximum des aides directes plafonnées par Bruxelles.

 

Réunion du Fonds des calamités

Le Fonds des calamités se réunira d'ici à la fin de juin, promet Bruno Le Maire, qui fera le point de la situation avec les préfets de Région « dans les tout prochains jours ». Mais l'indemnité que pourrait débloquer le fonds ne répondra pas à l'urgence. Il faudra attendre juillet-août pour expertiser les dégâts.

Et l'indemnité n'est, le plus souvent, versée qu'un an après. Aujourd'hui, elle ne concerne plus que les prairies. Les grandes cultures sont exclues du fonds. Seul un tiers de celles-ci sont assurées pour la récolte de 2011 et pourront prétendre à indemnisation.

 

 

Une mécanique bien rodée entre l'Eure et la Manche

Cet été encore, des camions de paille quitteront le département de l'Eure pour la Manche. Probablement 7.000 t, presque le double de l'an dernier pour un prix identique de 23 €/t en andain.

C'est le Cercle d'échanges de l'Eure qui est la cheville ouvrière du dispositif, encadré par les FDSEA des deux départements. « L'objectif, tenu ces dernières années, est que la paille soit enlevée au plus tard le 15 septembre et réglée à la fin d'octobre, insiste Pascal Allard, directeur du Cercle. Nous l'achetons, la faisons presser par nos adhérents et la chargeons sur les camions. Mais le négoce n'est pas notre métier. Nous participons à cette opération car elle est dans notre logique de mise en relation des personnes. »

Pour le transport, c'est la FDSEA de la Manche qui discute des moyens et des tarifs avec les négociants de son département. Le Cercle n'intervient donc pas comme un concurrent des opérateurs mais en complément. C'est la même chose pour mobiliser des parcelles dans l'Eure.

« La vraie difficulté, c'est le départ de la paille, assure Pascal Allard. Le nombre de presses ne m'inquiète pas. Derrière chacune, un télescopique met les bottes en meule. L'important est de disposer de suffisamment de camions pour charger toute la journée. » Bref, d'éviter d'en charger un le matin et un autre à la fin de l'après-midi, sans rien entre les deux.

« Nous venons de relancer les céréaliers avec lesquels nous avons l'habitude de travailler. Ils attendaient notre appel. Ce qu'il faut maintenant, c'est qu'ils mobilisent leurs voisins pour que nous ayons des parcelles les plus groupées possible. » 

 

par Sophie Bergot et Éric Roussel

(publié le 27 mai 2011)

 

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