Certes, l'urgence est aux mesures d'aide pour faire face à la sécheresse, mais le sujet du stockage de l'eau devra bien refaire surface. « Une vraie stratégie à ce sujet aurait sans doute pu éviter en grande partie la crise que subit l'agriculture », estiment la FNSEA, Irrigants de France, Jeunes Agriculteurs et Orama.
Pour Jean-Luc Capes, président du groupe Eau de la FNSEA, le stockage de l'eau doit devenir une priorité pour Bruno Le Maire. En réponse, le ministre de l'Agriculture l'a répété plusieurs fois ces derniers jours : « C'est du bon sens que de stocker l'eau lorsqu'elle tombe l'hiver, afin de pouvoir l'utiliser durant l'été. »
Pourtant, sur le terrain, la liste des propositions d'ouvrages en souffrance s'allonge. « Il y a toujours quelque chose qui bloque et qui fait traîner en longueur le dossier, s'exaspère Jean-Louis Cazaubon, président de la chambre d'agriculture du Midi-Pyrénées. Nous avons demandé la semaine dernière au préfet, coordinateur du bassin Adour-Garonne, de mettre en place un comité de suivi afin d'examiner, pour chaque dossier, quels sont les problèmes exacts qui les font avorter, afin de les débloquer ! »
Concrètement, outre la (non-)volonté politique, les freins à l'aboutissement des projets peuvent être d'ordre technique, environnemental ou financier, malgré les nombreuses études préalables.
• La plus grosse difficulté technique concerne le foncier : il faut trouver un terrain aux conditions géologiques et géographiques adaptées, qui soit déconnecté du milieu naturel.
• Les retenues en amont d'un cours d'eau ne sont donc plus possibles vu les contraintes environnementales de plus en plus restrictives. « La réserve doit être en dehors de toute zone protégée, humide ou Natura 2000, par exemple, explique Michel Lassimouillas, de la chambre d'agriculture de la Dordogne. Or les cartes qui délimitent ces zonages sont très ambiguës et peuvent être interprétées de plusieurs façons. »
Tous ces obstacles s'ajoutent aux procédures engagées par les associations environnementales et allongent encore les délais d'étude. Pour limiter les recours abusifs, Xavier Beulin, président de la FNSEA, propose d'assortir ces procédures d'un dépôt de caution.
« Déposer un recours ne coûte rien, mais cela peut coûter beaucoup au maître d'ouvrage (ndlr : à l'agriculteur) et au bureau d'études », estime-t-il. Il a également précisé qu'en stockant seulement 1 % de la pluviométrie annuelle, « deux tiers à trois quarts des problèmes hydriques de l'Hexagone seraient réglés ».
Mais pour France Nature Environnement, « l'eau hivernale ne doit pas être captée de façon excessive pour ne pas déséquilibrer le milieu » et d'autre part « les réserves incitent les agriculteurs à irriguer ».
Dans la réalité, « il n'y a plus de projet de stockage de l'eau dont le but est d'augmenter les surfaces irriguées », appuie Michel Lassimouillas. Le but est bien de diminuer les prélèvements dans le milieu en période d'étiage et de sécuriser un certain volume, vital pour les exploitations.
• Enfin, les investissements dans la création de réserves, les stations d'alimentation et les réseaux de distribution sont très lourds pour les agriculteurs. Des financements publics existent, mais les critères d'éligibilité très stricts ne sont pas toujours en adéquation avec les réalités technico-économiques du projet.
Dans le bassin du Bandiat, qui a mis dix ans à émerger, l'aide de l'agence de l'eau Adour-Garonne s'est portée à 25 % uniquement sur la création de la réserve, soit environ 200.000 euros sur un coût total de 2.370.000 euros (soit, en fait, à peine plus de 8 %).
L'agence Adour-Garonne ne finance également que des projets de substitution totale. Or, pour réduire les coûts, stocker de 60 à 70 % des besoins et prélever le reste dans la rivière pourrait suffire. Pour l'agence de l'eau, c'est simple : « L'irrigant ne doit pas prélever d'eau au milieu en période d'étiage, mais chaque cas est étudié. »
Dans le bassin de la Lizonne, en Dordogne, par exemple, l'objectif est de diminuer de 50 % les prélèvements dans le milieu. Après de longues négociations, le projet pourrait être soutenu par l'agence de l'eau, à condition que la substitution soit de l'ordre de 80 %... Et si, à force de concertation, les objectifs, sur le long terme, agricoles et environnementaux se rejoignaient ?
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par Florence Mélix (publié le 3 juin 2011)
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