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Article 17 :

Après les débats, l’heure des choix

Après quatre mois de discussions, le Grenelle de l’environnement est entré dans sa phase finale.

Le Grenelle de l’environnement, qui doit aboutir à une «révolution écologique», est entré cette semaine dans la dernière ligne droite. Entamé en juillet, il s’est achevé par quatre demi-journées de travail, les 24 et 25 octobre, sur les thèmes suivants: «lutter contre le changement climatique», «préserver la santé et l’environnement en stimulant l’économie», «préserver et gérer la biodiversité et les milieux naturels» et «instaurer une démocratie écologique». Les représentants des cinq collèges qui ont préparé les travaux du Grenelle – l’Etat, les collectivités locales, les salariés, le patronat et les associations environnementales – se sont retrouvés pour débattre sous l’égide de Jean-Louis Borloo, ministre de l’Ecologie.

Les agriculteurs ont été représentés par la FNSEA et Jeunes Agriculteurs (JA). Les chambres d’agriculture (APCA) étaient absentes, tout comme les syndicats minoritaires qui jugent leur mise à l’écart inacceptable. «C’est un comble que la FNSEA, qui n’a jamais parlé d’environnement, soit la seule représentante de l’agriculture au Grenelle», estime Régis Hochart, porte-parole de la Confédération paysanne.

Il est également à noter que les associations de consommateurs n’ont pas été invitées à la table ronde. Les enjeux de cette table ronde finale sont majeurs. Car le gouvernement doit composer entre les ONG écologistes demandeuses d’une «véritable rupture» et les tenants d’une réforme plus douce, ne menaçant pas le développement économique, une position notamment défendue par la FNSEA. Mercredi, à l’heure de notre bouclage, le principe d’un plan ambitieux sur la méthanisation semblait faire consensus, de même que les mesures de lutte contre l’étalement urbain. Le lendemain, le président de la République devait annoncer ses arbitrages à l’issue de la table ronde.

Les acteurs du Grenelle sont arrivés à la table des négociations avec un document d’une trentaine de pages, rédigé par le ministère de l’Ecologie, énumérant les propositions issues des groupes de travail tout en distinguant celles qui font consensus et celles sujettes à polémiques. De son côté, Jean-Louis Borloo devait poser sur la table «une synthèse constituant les premières grandes orientations gouvernementales». Voici les principales propositions pour le secteur agricole.

 

Certification environnementale: 50% des exploitations en 2012

Les services de Jean-Louis Borloo ne tranchent pas entre les termes «certification» et «notation environnementale». L’objectif affiché, mais à négocier, est que la moitié des exploitations intègre la démarche d’ici à 2012.

 

Agriculture biologique: la SAU multipliée par trois

Le ministère de l’Ecologie propose de consacrer 6% de la SAU au bio en 2010 et d’arriver à 20% en 2020. Ce développement serait soutenu par les commandes de la restauration collective d’Etat (objectif de 20% de produits bio en 2012).

 

Intrants: une bataille de chiffres

La dernière version du texte précise que le retrait des «52» substances les plus dangereuses pourrait intervenir d’ici «deux à quatre ans». Pour les pesticides, l’objectif visé «est une réduction comptabilisée en indice de fréquence de traitement, en accélérant la diffusion de méthodes alternatives». Il reste à savoir si la réduction sera chiffrée en volume («de moitié») et en temps («à dix ans»). Parmi les mesures non consensuelles, figurent le relèvement du niveau de la redevance phyto pour pollutions diffuses, celle pour l’irrigation et la création d’une redevance nitrates et phosphates.

 

Biodiversité et eau: une trame verte

La proposition visant à créer une trame verte maillant l’ensemble du territoire est conservée. Contre la diminution des surfaces agricoles et naturelles, il est proposé d’assigner des objectifs chiffrés dans les PLU (plan local d’urbanisme). Il est prévu de passer de 30 à 66% des masses d’eau en bon état écologique en 2015. Pour y parvenir, les services de Jean-Louis Borloo suggèrent d’accroître la couverture des sols en hiver («100% en 2010» à discuter), de protéger l’aire d’alimentation des cinq cents captages les plus menacés d’ici à 2012, d’acquérir «20.000» ha de zones humides sur cinq ans, de mettre en place des bandes enherbées d’au moins cinq mètres («10 mètres» à débattre) le long des cours et masses d’eau. Le plan national de création de retenues de substitution a été recalé. Mais le document de travail prône l’adaptation des «prélèvements aux ressources, soit en diminuant les prélèvements pendant les périodes de faibles eaux, soit en construisant des stockages».

 

Energie: un plan d’autonomie

Il est question d’accroître l’autonomie énergétique des fermes avec un objectif de 30% d’ici à 2013 et d’instaurer un crédit d’impôt pour la réalisation d’un diagnostic énergétique.

 

Biocarburants: une expertise du bilan

«Une expertise exhaustive et contradictoire du bilan écologique et énergétique des agro/biocarburants de première génération» devrait être menée «afin de déterminer leur part optimale dans le portefeuille énergétique».

 

OGM: une loi en 2008

Le ministère de l’Ecologie propose de renforcer la recherche, de créer une haute autorité et d’adopter une loi sur les biotechnologies et les OGM avant la fin du printemps de 2008. Pas un mot sur un éventuel moratoire.

Le ministre de l’Agriculture a réussi à s’inviter aux débats, en annexant au document final quatre plans d’action consacrés respectivement à la certification, à la préservation de la biodiversité, à l’agriculture biologique et à la performance énergétique des exploitations. «La certification permet de rendre visible l’évolution des pratiques agricoles en faveur de l’environnement, explique-t-on au ministère. Nous réfléchissons aussi à des incitations fiscales pour motiver les agriculteurs.»

L’agriculture ressortira-t-elle de ces débats vert vif ou vert pâle?

 

«Pas d’année blanche pour les OGM»

La filière du maïs attend avec impatience la future loi sur les OGM, promise par Jean-Louis Borloo. Ce dernier indiquait, le 17 octobre, «avoir l’engagement du président de la République pour travailler à toute vitesse», c’est-à-dire d’ici à la fin de mars ou d'avril. «Nous ne voulons pas que le calendrier parlementaire perturbe les semis de maïs transgénique en 2008, annonce Luc Esprit, directeur de l’AGPM (producteurs de maïs). Si la loi n’est pas votée à temps, nous demandons les mêmes conditions de production qu’en 2007.»

Maïsiculteurs et semenciers réclament une loi pour février, la limite pour les commandes de semences. Or, le calendrier parlementaire est chargé: vote du budget jusqu’à Noël, interruption des travaux au moment des municipales en mars. Jean-François Le Grand, sénateur de la Manche et président de l’intergroupe OGM lors des débats du Grenelle, table sur une loi applicable au plus tôt en mai ou en juin. En attendant, la haute autorité des biotechnologies prévue dans la loi pourrait être préfigurée par une mission lancée dès novembre 2007 afin d’émettre un avis sur le Mon810, seul OGM cultivé en France. (I.E.)

 

Ci-dessous les réactions de Marc Dufumier, conseiller agricole de la Fondation Nicolas Hulot, Pascal Férey, vice-président de la FNSEA, Jacques Pasquier, secrétaire national de la Confédération paysanne, et François Lucas, président de la Coordination rurale.

 

Réaction: Marc Dufumier, conseiller agricole de la Fondation Nicolas Hulot

«Une absence manifeste de colonne vertébrale»

«Sur l'agriculture, le document de travail est réduit, voire réducteur. Nous aurions préféré des propositions qui agissent sur les racines du mal et qui recentrent plus l'agriculture sur ses terroirs et son marché intérieur solvable. Contrairement à d'autres ONG environnementales, nous sommes peu enclins à des mesures réglementaires du type de la certification qui ne rajoutent pas grand-chose par rapport à la conditionnalité. Sur les biocarburants, le Grenelle ne dit rien alors qu’il aurait fallu se prononcer contre ceux de première génération dont le bilan ne tient pas la route. L’Etat n’a pas fait son travail en ne retranscrivant pas ce procès et le ministère de l’Agriculture est apparu bien conservateur. Rien non plus sur un plan relatif aux protéines qui rapprocherait les cycles du carbone et de l’azote et encouragerait certaines cultures comme la luzerne. Ces frustrations et ce manque de colonne vertébrale nous incitent à négocier notre participation aux Assises de l’agriculture pour qu’il y ait une continuité entre le Grenelle et le bilan de santé de la Pac. Le projet de la Fondation Hulot repose sur une réorientation des aides du premier pilier vers des produits et des circuits qui peuvent être encouragés à travers la restauration collective.»

 

Réaction: Pascal Férey, vice-président de la FNSEA

Peu d’ambition sur la préservation des surfaces

«Les débats ont manqué d’ambition concernant la lutte contre la régression des surfaces agricoles. C’est un grand regret. On a beaucoup parlé des OGM, de la ressource en eau ou des pesticides, mais très peu de l’occupation du territoire. La dimension économique et sociale ne ressort pas assez. Aucune réflexion n’a été menée sur la commercialisation durable ou les biocarburants. Quant au débat sur la biodiversité animale, il a été éludé par peur d’aborder la question controversée des grands prédateurs. La FNSEA n’est pas opposée à la certification des exploitations, mais tout dépend des conditions de mise en œuvre. L’agriculture ne peut-elle pas se satisfaire de la réglementation existante? Quel bonus apportera la certification? L’ensemble des agriculteurs doit pouvoir y accéder. Elle ne doit pas conduire à une politique d’écrémage par la suradministration. A propos de la réduction des pesticides, la FNSEA refuse des objectifs chiffrés. Des propositions tendant à remanier la loi sur l’eau nous apparaissent comme une insulte à la vie parlementaire. En matière d’OGM, la FNSEA a fait preuve d’ouverture et est favorable à une loi.»

 

Réaction: Jacques Pasquier, secrétaire national de la Confédération paysanne

«De fortes contraintes sur les cultures OGM»

«Nous aurions souhaité que l’agronomie soit au cœur des échanges, qu’on parle d’une réforme globale des systèmes de production. Et aussi obtenir des avancées sur les semences fermières, l’allègement des normes pour les petits ateliers de transformation ou encore un moratoire sur toute nouvelle usine diester ou d'éthanol. La Confédération paysanne s’oppose à la généralisation de la certification des exploitations. Une démarche qui exclut les petits paysans pour des raisons économiques et non pas environnementales. La réorientation des aides Pac est la grande absente du débat. Sur les OGM, il n’y a pas d’urgence à légiférer, mais il y a urgence à arrêter la contamination. La loi doit garantir la liberté de produire et consommer sans OGM. En attendant ce cadre législatif, un moratoire sur les cultures d’OGM en plein champ et sur la commercialisation du maïs Mon863 doit être décidé. La future loi doit imposer des contraintes sur les seuils (moins de 0,01% pour les semences et moins de 0,1% pour les récoltes). C’est aux cultivateurs d’OGM, aux distributeurs et aux semenciers d’assumer la responsabilité de la contamination. Nous refusons la création d’un fonds d’indemnisation.»

 

Réaction: François Lucas, président de la Coordination rurale

«Un observatoire des pratiques plutôt que la certification»

«Curieusement, des propositions non discutées dans les groupes de travail sont présentées. Par exemple, l’obligation du contrôle technique des tracteurs de plus de 80 ch, une idée émise par le ministère de l’Agriculture pour soi-disant réaliser des économies d’énergie. Plutôt qu’une démarche de certification jusqu’à un niveau de haute valeur environnementale, nous aurions préféré la création d’un observatoire des pratiques des agriculteurs. Celui-ci aurait permis la collecte d’informations, leur diffusion et leur application par mimétisme. Manifestement, ce n’est plus dans la culture de l’Etat de s’appuyer sur les pratiques des exploitants. On est dans une culture de l’administration. D’autres mesures proposées par la Coordination rurale, comme le serment de l’agriculteur, n’ont pas été reprises. Et rien sur les techniques culturales simplifiées. Sur les OGM, nous souhaitons une loi qui impute la responsabilité de la contamination aux auteurs et aux metteurs sur le marché d’OGM, mais pas aux agriculteurs. Nous aurions aussi aimé qu’on nous rende compte des réunions régionales. A quoi ont-elles servi?»

par Aurore Cœuru

(publié le 26 octobre 2007)

 

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