« L’obligation de couverture des sols de la directive nitrates n’est pas une contrainte sur notre exploitation, bien au contraire, affirme Jean-Luc Maeyaert, installé à Verchoq, dans le Pas-de-Calais. C’est plutôt le prix des semences qui pose un problème. »
Exemple de mélange Pour un mélange de six espèces, composé de phacélie (5 kg/ha), de féverole (60 kg/ha), d’avoine (40 kg/ha), de moutarde (3 kg/ha), de vesce (20 kg/ha) et de trèfle d’Alexandrie (8 kg/ha), Jean-Luc Maeyaert devrait payer, selon ses estimations, 130 €/ha s’il achetait toutes les semences, contre seulement 40 €/ha en achetant la phacélie et la moutarde et en produisant le reste lui-même. Ce qui représente un gain d’environ 90 €/ha. |
L’an dernier, Jean-Luc est passé au semis direct et cette pratique lui a démontré toute l’importance des cultures intermédiaires pour l’entretien de ses sols. Mais l’achat des semences, pouvant facilement atteindre plus de 100 euros par hectare pour un mélange élaboré de six espèces, ne s’inscrit pas dans sa stratégie de réduction des charges d’intrants.
« Ma philosophie est de construire mon revenu sur un minimum de charges et non sur un maximum de produit », précise l’agriculteur. C’est pourquoi il a décidé de produire lui-même une partie de ses semences de couverts.
Un coût divisé par deux
Sur les 235 hectares exploités par le Gaec du Mont de Gournay, Jean-Luc et ses deux associés produisent notamment de l’avoine, de la féverole et du pois fourrager, des espèces qu’ils utilisent également pour les cultures intermédiaires.
« Les légumineuses sont indispensables pour restituer de l’azote au sol et la féverole est celle qui exprime son potentiel le plus vite, souligne Jean-Luc. C’est un facteur essentiel pour nous, étant donné que l’on récolte souvent nos blés au 15 août, ce qui laisse peu de temps aux couverts pour se développer. »
Sur leurs sols sensibles à l’érosion, l’avoine est également importante, car son système racinaire fasciculé retient la terre.
Liste des espèces autorisées en semences fermières - Avoine, alpiste des canaries, - Blé, blé dur, - Colza, - Epeautre, - Féverole, - Lin oléagineux, lupin jaune, luzerne, - Navette, - Orge, - Pois chiche, pois fourrager, - Pommes de terre, - Riz, - Seigle, - Trèfle d'alexandrie, trèfle de perse, triticale - Vesce commune Le règlement européen CE/2100/94 autorise le resemis des variétés protégées par une PCOV (Protection communautaire d'obtention végétale) pour 21 espèces. |
Cette année, il va également produire du trèfle d’Alexandrie et de la vesce, des couverts qu’il a d’abord testés en achetant des semences. « J’ai semé de la vesce dans une parcelle d’avoine qui n’avait pas levé et je fais du trèfle d’Alexandrie sur 20 ares, annonce-t-il. Je verrai bien le résultat à la récolte et si ça marche, je continuerai. »
Auparavant, Jean-Luc s’intéressait peu à la gestion des cultures, se concentrant plutôt sur ses cent vingt vaches laitières. Avec le semis direct et les couverts végétaux, il a repris goût à l’agronomie et apprécie de tester différentes possibilités pour trouver le couvert le plus adapté à sa situation.
Contraintes de séchage et de tri
Jean-Luc Maeyaert estime qu’il y a beaucoup d’économies à faire et qu’il ne faut pas hésiter à expérimenter. Cependant, produire ses semences demande du temps et de l’organisation. La récolte ne peut pas toujours se faire dans les meilleures conditions. « Les problèmes d’humidité à la récolte sont fréquents et nous devons parfois étendre les graines sur une bâche pour les faire sécher », raconte Jean-Luc.
En général, l’exploitant ne trie pas ses semences de couverts, ou alors juste en les passant à la moissonneuse-batteuse. « Pour faire mieux, l’idéal serait d’avoir un petit trieur polyvalent », confie-t-il. Pour le stockage, il conserve simplement ses semences en big bag.
En dehors du coût, qu’il a réduit en produisant ses semences, Jean-Luc Maeyaert se retrouve face à un autre problème : tous les couverts ne peuvent pas être multipliés sur la ferme. Il existe une liste de vingt et une espèces autorisées (lire encadré ci-dessus). L’exploitant regrette de ne pas pouvoir produire certaines semences.
« La moutarde est très importante, car c’est le seul couvert qui se développe suffisamment rapidement pour être implanté entre un blé et un escourgeon chez nous, constate-t-il. Heureusement, son prix n’est pas trop élevé (environ 1 €/kg), ce qui n’est pas le cas de la phacélie (environ 7 €/kg). C’est pourtant une plante très intéressante pour la structuration des sols. »
Des couverts en guise de fourrages
Pour Jean-Luc, réussir un couvert est aussi important dans son système que de réussir une culture. Il cherche à produire un maximum de biomasse pour en réincorporer au sol. Mais l’agriculteur envisage également de se servir des couverts non plus pour alimenter le sol, mais plutôt pour nourrir son troupeau, ce qui lui permettra encore une fois de réduire ses charges.
« J’ai changé l’alimentation de mes vaches en diminuant la part de maïs et en introduisant plus de méteils et de luzerne, explique Jean-Luc. Je songe maintenant à récolter mes couverts au printemps. » Pour cela, il faudra choisir des espèces non gélives et récoltables en fourrage. « Pas de gesse, par exemple, car elle est toxique », ajoute-t-il.
Cette année, l’exploitant veut aussi essayer la luzerne sous couvert d’avoine : « Je vais semer la luzerne dans mon avoine de printemps et je commencerai d’abord par battre uniquement les grains d’avoine pour mes semences de couvert. Ensuite, je ferai une première coupe pour récolter la paille et la luzerne, suivie d’une seconde coupe de luzerne. »
Jean-Luc Maeyaert semble ne jamais être à court d’idées pour réduire ses charges et favoriser la durabilité de son système de production. Un état d’esprit qui devrait l’aider à obtenir la certification Iso 14001, démarche dans laquelle il s’est lancé avec l’association Terr’Avenir.
Diversité d’espèces. Jean-Luc Maeyaert produit des semences de féverole, pois fourrager, avoine, trèfle d’Alexandrie et vesce pour couvrir ses sols en interculture.
Directive nitrates : le quatrième volet difficile à mettre en place En 2009, l’arrivée du quatrième programme d’action de la directive nitrates en a dérouté plus d’un. Principale cause de cette confusion : la nouvelle mesure de couverture des sols pendant la période de risque de lessivage, qui doit atteindre 100 % des surfaces en 2012 en zone vulnérable. Les modalités de couverture (espèces autorisées, dates de semis et de destruction des couverts…) diffèrent selon les départements et les arrêtés préfectoraux les définissant ont fait l’objet de nombreuses négociations pour obtenir des dérogations. Le plus souvent, cette mesure implique d’implanter soit une culture d’hiver, soit une culture intermédiaire piège à nitrates (Cipan), ou encore d’avoir conservé des repousses de colza. Quant aux bandes enherbées, elles sont rendues obligatoires le long de tous les cours d’eau BCAE sur 5 mètres de large, mais en zone vulnérable, leur largeur pourra être augmentée et elles pourront être imposées le long d’autres cours d’eau si c'est nécessaire. |
par Sébastien Chopin, Bérangère Lafeuille, Corinne Le Gall, Nicolas Levillain, Florence Mélix, Vincent Thècle et Cécile Vinson (publié le 7 mai 2010)
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