« Je suis très sensible à la protection de la qualité de l’eau, c’est pour cela que je me suis intéressé aux principes de la production intégrée », explique Yves Vecten, agriculteur à Escamps, dans l’Yonne. Il est président de l’Association pour la qualité de l’eau potable de la plaine du Saulce avec laquelle il met en place des actions pour maintenir un taux de nitrates en dessous de la norme réglementaire dans son bassin versant.
Qualité de l’eau L’association pour la qualité de l’eau potable de la plaine du Saulce a été créée en 1997. Ses deux cents membres agriculteurs s’attachent à protéger la ressource en eau alimentant Auxerre et ses environs. Elle couvre aujourd’hui trois champs captants, soit environ 15.000 ha. |
Depuis le départ de son salarié en 2004, Yves Vecten a revu ses objectifs de rendement à la baisse. « En étant seul avec mon épouse, je peux me permettre de prendre plus de risques et d’avoir moins de rendement, du moment que je diminue les charges », commente l’agriculteur.
Son exploitation de 330 ha est certifiée « agriculture raisonnée » et fait partie du réseau Farre. Mais Yves a voulu aller plus loin en réintroduisant plus d’agronomie dans ses pratiques.
Rotation longue, semis retardés et peu denses
Pour réduire son utilisation de phytos, Yves Vecten met en œuvre une série de pratiques qui ne sont pas des alternatives directes aux traitements mais dont la combinaison permet de limiter en amont le risque sanitaire et, donc, de ne pas avoir besoin d’intervenir par la suite.
Tout d’abord, il a opté pour une rotation longue (colza, blé, orge de printemps, pois – ou tournesol, blé, orge d’hiver) avec des cultures d’hiver et de printemps pour casser le cycle des maladies et des mauvaises herbes.
Le choix variétal est également important pour lui. « J’essaie de semer des variétés résistantes ou tolérantes aux maladies, mais il n’y a pas toujours beaucoup de choix, regrette Yves. En colza, je sème des mélanges de variétés et je compte essayer en blé également. »
Le décalage des dates de semis lui pose plus de problèmes. Avec des terres argileuses, il ne peut pas retarder ses semis de céréales d’hiver autant qu’il le voudrait. « J’arrive à reculer mes semis d’une dizaine de jours et je les étale en commençant par les parcelles les plus propres et en finissant par les plus sales, ce qui me permet de mieux gérer les adventices », déclare-t-il.
En colza, Yves cherche encore la date de semis idéale. « J’ai tenté de semer plus tard en septembre, mais j’ai quand même eu des géraniums. Le colza est la culture la plus difficile à conduire en intégré. » Il projette de tester le semis au Strip-till pour le colza et le tournesol afin d’empêcher le développement d’adventices entre les rangs.
Yves Vecten joue aussi sur les densités de semis. Il a pu vérifier dans ses champs qu’une densité réduite diminuait la pression de la septoriose, maladie qui cause le plus de dégâts sur blé chez lui.
« En blé, je sème à 250 grains/m² alors qu’en moyenne, dans la région, c’est plutôt de 350 à 400 grains/m², observe l’exploitant. C’est une bonne solution pour contrer les maladies, mais ça laisse l’espace libre aux mauvaises herbes. Il faut faire un choix entre économiser un fongicide ou un herbicide. »
Faux semis et désherbage mécanique
Pour lutter contre les adventices, Yves effectue des faux semis durant l’interculture. Il a abandonné le labour depuis longtemps, mais il réalise deux déchaumages légers (à 2 ou 3 cm de profondeur) pour faire lever les mauvaises herbes puis les détruire, ainsi qu’un passage plus profond à 5 cm avant ses semis d’automne. « Je m’adapte à la parcelle et aux conditions climatiques, c’est du cas par cas selon mes observations », précise Yves.
Ensuite, en culture, il a testé le désherbage mécanique avec la herse-étrille de l’association. Sur les colzas, il a réussi à obtenir des résultats satisfaisants mais, sur blé, il a eu du mal à trouver une fenêtre de passage. « Il m’arrive de désherber les tournesols avec une ancienne bineuse à betteraves, mais c’est délicat dans mes terres à cailloux (de 30 à 50 % de piérosité) », signale-t-il.
La gestion de la fertilisation est un autre point essentiel pour Yves Vecten. Il cherche à apporter moins d’engrais que ce qui est conseillé, afin de ne pas favoriser les maladies avec un couvert trop dense. « J’apporte peu d’azote au début et je fais même parfois l’impasse sur le premier apport, raconte-t-il. J’ai pu observer un effet non négligeable sur le développement de l’oïdium et, de plus, j’économise l’équivalent d’un semi-remorque de 25 tonnes d’azote. »
Yves Vecten a vu ses rendements baisser (de 70 à 60 q/ha en blé), mais les économies de charges permettaient jusqu’ici de compenser les pertes de production. « Sur céréales et colza, je ne fais plus qu’un seul fongicide, contre deux ou trois avant », indique l’exploitant. Aujourd’hui, les prix des céréales le laissent pourtant assez pessimiste pour la suite.
La production intégrée pour atteindre -50 % L’étude Ecophyto R&D, dirigée par l’Inra et présentée en janvier 2010, montre qu’il existe des marges de manœuvre pour réduire l’utilisation des phytos mais que l’objectif de 50 % fixé par le plan Ecophyto 2018 semble difficile à atteindre dans les temps. D’après ces travaux réalisés à partir d’enquêtes de terrain et de dires d’experts, il faudrait que plus de 60 % des surfaces françaises soient conduites en production intégrée pour y arriver. Cela signifie qu’il faudrait modifier profondément les systèmes de culture en allongeant les rotations, en introduisant de nouvelles cultures et en utilisant des méthodes alternatives à l’échelle pluriannuelle. Mais ces changements s’accompagneraient aussi d’une baisse des niveaux de production et des marges. |
Valider les pratiques innovantes sur le terrain Yves Vecten a accepté de participer au réseau de fermes pilotes FermeEcophyto pour tester des pratiques moins dépendantes des phytos, mais qui permettent de conserver des résultats économiques et de production proches. Dix-huit groupes d’une dizaine d’exploitations, chacun suivi par un animateur local, vont commencer les expérimentations à l’automne de 2010. Chaque ferme devra proposer un projet de réduction des phytos et une feuille de route pour y parvenir (utilisation d’outils d’aide à la décision, modification d’itinéraire technique, passage au bio…). A partir de 2011, d’autres exploitations devraient les rejoindre pour atteindre huit cents fermes ou plus. |
Ecophyto 2018, un plan ambitieux La directive européenne sur l’utilisation durable des pesticides impose aux Etats membres de bâtir des plans d’action nationaux. En France, c’est déjà fait avec le plan Ecophyto 2018 qui a pour principaux objectifs : - le retrait d’une cinquantaine de substances considérées comme dangereuses - et la réduction de l’utilisation des phytos de 50 % d’ici à l’année 2018 si possible. Huit grands axes ont été définis, comme la mise au point d’indicateurs d’évaluation des progrès, la recherche de systèmes de cultures moins dépendants des intrants ou encore la gestion des phytos en zone non-agricole. Deux autres axes ont déjà donné lieu à des mesures concrètes : - la surveillance des bioagresseurs sur le territoire avec le Bulletin de santé du végétal (BSV) - et la formation des agriculteurs et distributeurs avec le Certiphyto. Ce certificat doit valider la capacité à identifier et maîtriser les risques liés à l’utilisation des produits phytosanitaires, raisonner leurs usages et limiter leur impact sur l’environnement. Dans le cadre du plan Ecophyto, une phase expérimentale d’obtention du Certiphyto, valable dix ans, a été lancée jusqu’à l’automne de l'année 2010. Ce certificat sera obligatoire en 2014 pour les agriculteurs et certainement à la fin de 2010 ou 2011 pour les entreprises de travaux agricoles, les conseillers et les distributeurs. |
par Sébastien Chopin, Bérangère Lafeuille, Corinne Le Gall, Nicolas Levillain, Florence Mélix, Vincent Thècle et Cécile Vinson (publié le 7 mai 2010)
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