Valérie Brocard, chef de projet en charge de la nutrition et de la conduite des troupeaux à l'Institut de l'élevage, nous donne son avis.
On ne peut pas nourrir correctement des VHP au pâturage.
FAUX. Certes, dans les systèmes très herbagers (plus de 50 ares/VL), la productivité est moindre. De nombreux essais ont été conduits à ce sujet. Si l’on compare des élevages offrant 20 ou 40 ares d’herbe/VL, on «perd» environ 400 l/VL/an. C’est peu.
Aujourd’hui, on connaît mieux l’ingestion des vaches au pâturage. L’Inra a mis au point un outil qui permet d’y arriver. Connaissant la quantité d’herbe consommée, on peut calculer la ration et complémenter en conséquence. On parvient ainsi à maintenir le niveau de production.
En ce qui concerne les vaches à très haut niveau de production, le raisonnement reste valable. On peut viser 10.000 kg avec un pâturage bien mené, au moins au printemps. La question se pose peu dans la pratique, car ceux qui recherchent ce niveau misent rarement sur le pâturage.
Les vaches se reproduisent moins bien à l’herbe.
FAUX. La part de l’herbe dans la ration n’a statistiquement aucun effet direct sur la reproduction. De nombreuses expérimentations le confirment. Mais pour que les vaches se reproduisent, il faut qu’elles soient vues en chaleur. Cela peut être plus contraignant quand elles pâturent au loin.
C’est le lait au pic de lactation qui explique le mieux les performances de reproduction. Donc plus on vise un pic élevé, plus on a de problèmes, et ce, quel que soit le régime alimentaire. Enfin, une bonne part du résultat est liée à la dégradation continue de la fertilité, et ce facteur génétique est identique quelle que soit la ration.
Donc, ce qui joue, ce n’est pas le régime, c’est le potentiel des vaches, le lait qu’on leur fait produire, et la capacité à détecter les chaleurs.
Les vaches n’aiment pas, avec l’herbe pâturée, qu’on change de ration tous les jours.
VRAI et FAUX. La production et la qualité de l’herbe sont sensibles aux conditions climatiques et on peut donc voir des variations d’un jour à l’autre. L’ingestion elle-même évolue. Les éleveurs surveillent surtout le lait dans le tank, et généralement, cela ne leur plaît pas de voir le niveau baisser.
Quant aux vaches, elles s’y adaptent très bien. Le troupeau holstein de la station de Trévarez, dans le Finistère, a enchaîné des essais sur la réduction des concentrés, la monotraite, l’hivernage en plein air.
Le potentiel génétique est tel que ces vaches répondent à tout, et continuent à faire du lait. Cependant, ceux qui ne supportent pas ces variations de production peuvent jouer sur la pression au pâturage. Avec un fil avant ou en aménageant des paddocks pour un ou deux jours, on les atténue.
L’herbe est un bon correcteur pour le maïs.
VRAI. En PDIN, 2 kg de MS d’herbe jeune équivalent à 1 kg de correcteur azoté. Il faut en tenir compte dans la complémentation des rations associant du pâturage et de l’ensilage de maïs.
Le correcteur azoté doit être réduit plus vite que la part de maïs. Sinon, on le gaspille. La santé des animaux peut en souffrir.
Des vaches consommant 6 à 7 kg de MS de RGA TB n’ont plus besoin de correcteur azoté. Pensez-y au printemps, mais aussi au pâturage d’automne, encore plus riche en PDIN.
Les vaches sont en meilleure forme quand elles sortent.
FAUX. Cela dépend si on parle de bien-être ou seulement de santé. Sur le plan sanitaire, il n’y a pas de différences majeures entre les élevages qui pâturent et les autres. Les études comparatives réalisées à ce sujet ne sont généralement pas concluantes. Mais on sait que les pathologies sont différentes.
Au pâturage, il faut se méfier des tétanies au printemps ou de la météorisation avec un trèfle jeune. On peut aussi avoir des cas d’acidose à l’automne quand les ingestions d’herbe baissent et si le niveau de concentré est élevé. Il faut aussi surveiller les fièvres de lait sur les fraîches vêlées.
Les vaches nourries principalement au maïs sont plus sujettes aux acidoses. Celles qui ne sortent jamais peuvent rencontrer des problèmes liés à une mauvaise ambiance dans le bâtiment.
Les éleveurs connaissent les soucis auxquels leur troupeau est exposé. Ils gèrent la prévention et la surveillance en conséquence. Quant à dire si les vaches ont besoin de prendre l’air, rien ne le prouve. En définitive, le niveau de production a plus d’impact sur la santé que le type d’alimentation.
Lire également les articles suivants :
• Conduite : des prairies productives et bien valorisées
• La Franche-Comté veut pâturer plus et mieux
• Gaec des Mazées: «Nous tentons de tirer le meilleur parti de nos prairies naturelles»
• Louis-Pierre Chauvin : « Herb’évol me sécurise »
• Vrai ou faux : en finir avec les idées reçues
• Travail : une question d’organisation
• Gaec La Madeleine : «Le pâturage, il faut d’abord aimer ça»
• Economie : autonome et efficace
• Gaec des Marnes : « L’herbe nous a sauvés»
• Environnement : des atouts à valoriser
• Nutrition : des acides gras de meilleure qualité
par Pascale Le Cann, Jean-Michel Vocoret, Dominique Grémy et Nicolas Louis (publié le 7 avril 2008)
Nos offres d'abonnement
simples ou couplées,
à nos publications
hebdomadaires
et mensuelles
Découvrir nos Offres