Au foyer rural de Bagnols-les-Bains, dans la Lozère, une cinquantaine de spectateurs se sont rassemblés pour une représentation du festival «Contes et rencontres». Plongés dans le noir, ils suivent avec attention le jeu de Michèle Bouhet et de Jean-Louis Compagnon. Par la force du geste, de la parole et de la musique, ces deux artistes font naître une histoire dans un rond de lumière. Elle commence dans un village où il n’y a plus grand monde. Sur la place, il y a le banc des vieux et celui des vieilles qui attendent. Un jour, deux jeunes Anglais arrivent sur un tandem... Réaliste au départ, l’histoire devient de plus en plus décalée. Apparaît un vieux marin qui n’arrive pas à mourir, puis une fée à la main verte qui cherche une plante philosophale. Un refrain chanté tisse un lien poétique entre les chapitres. Lorsque la lumière se rallume, les spectateurs reviennent doucement sur terre. Certains expriment leur enthousiasme, d’autres restent plus réservés.Mais tous ont apprécié le voyage. La soirée se prolonge autour d’un verre et de petits gâteaux. Les curieux ont le temps d’interroger les deux artistes sur leur métier. Ceux-ci répondent volontiers. «C’est une chance qu’il y ait des spectateurs prêts à sortir de chez eux pour venir découvrir quelque chose qu’ils ne connaissent pas. Sans public, le spectacle vivant serait mort», affirmeMichèle Bouhet. «Nous aimons venir dans les villages. L’accueil est chaleureux et, parfois, nous avons du mal à repartir!», ajoute Jean-Louis Compagnon.

Les organisateurs du festival tiennent à ces rencontres. «Nous cherchons à créer une ambiance conviviale, pour favoriser l’intimité entre celui qui parle et celui qui écoute. Et, à la fin du spectacle, nous prévoyons un temps pour les échanges, autour d’un verre ou d’une part de tarte», explique Jean-Luc Aigouy, président de la Fédération départementale des foyers ruraux, qui a créé ce festival en 1992. Destiné aux habitants plutôt qu’aux touristes, il a lieu en février, en plein hiver, lorsque les soirées sont longues et les gens disponibles. En 2007, douze spectacles ont tourné pendant quinze jours. Près de 3.200 spectateurs ont été accueillis par trente-deux foyers ruraux, qui s’investissent avec la fédération pour organiser ces soirées. Le festival, après seize années d’existence, est reconnu. Il s’appuie sur un réseau de partenaires et bénéficie du soutien financier des collectivités. Mais sans la mobilisation des bénévoles, il ne pourrait pas se déplacer dans tous ces villages. Le choix des artistes est très ouvert. Le public accroche, que les conteurs viennent du Poitou, de Marseille ou du Tchad, qu’ils racontent des histoires rurales ou urbaines, avec ou sans musique. «Le conte s’est renouvelé et diversifié. Nous tenons à présenter différentes façons de pratiquer cet art de la parole», précise Jean-Luc Aigouy. Le festival soutient également la création. Il propose un stage d’initiation au racontage, ainsi qu’une journée de présentation de nouveaux conteurs. Il accueille des artistes en résidence.

Depuis février 2007, Claude Alranq-René-Huré et Hervé Robert viennent travailler à Vebron, un village des Cévennes. Ils présenteront leur création en février 2008, lors de la prochaine édition du festival.

par Frédérique Ehrhard

(publié le 20 avril 2007)