Enfant, à l'époque où elle portait des sandwiches à son père agriculteur pendant la moisson, Adélie Van Butsele rêvait déjà de jouer la comédie. Littéraire de nature, elle a toujours été attirée par le monde du théâtre, l'histoire de l'art et l'archéologie. Rien ne la destinait à succéder à son père. L'exploitation familiale aurait pu revenir à son frère, Raphaël. Mais celui-ci, passionné par la photo, en a fait son métier.

A l'âge de vingt ans, après une formation de BTS de tourisme, c'est la surprise: Adélie propose à son père de reprendre progressivement sa ferme de 170 ha orientée vers la polyculture, à Orry-la-Ville, dans l'Oise. La jeune fille passe avec succès un brevet professionnel agricole.

Les débuts sont difficiles, mais elle bénéficie des conseils de son père Gérard et de ceux d'Alain Battiglia, un voisin agriculteur avec qui elle coopère pour certains travaux. Pas question cependant, pour elle qui fréquente une école d'art dramatique depuis l'âge de quinze ans, d'abandonner sa passion.

Après de nombreuses années de formation, Adélie a été enfin remarquée pour ses aptitudes de comédienne. Elle intègre la compagnie de la Lucarne de Coye-la-Forêt, une troupe reconnue, forte de plus de trente ans d'existence, où elle joue bénévolement.

Elle apprend ses textes sur le tracteur

Si Adélie s'attelle désormais à sa septième pièce, elle n'oubliera jamais sa première apparition sur les planches dans Liola de Luigi Pirandello. Après Tartuffe l'an dernier, la troupe prépare aujourd'hui Don Juan de Molière. Elle y interprète Done Elvire, femme déchue et triste. Adélie tente de redonner une certaine dignité au personnage. Un vrai challenge! Joyeuse et optimiste de nature, elle doit incarner un rôle complexe. Mais tel est le lot des comédiens!

Adélie répète une fois par semaine pendant près de six mois de l'année, à quoi s'ajoute beaucoup de travail pour mémoriser les répliques. Elle doit jongler pour préserver le temps nécessaire à sa vie de famille: ses enfants Titouan et Clarisse, âgés de cinq et un an et son mari, Laurent, restaurateur à Paris.

Mais pour apprendre ses textes, Adélie dispose d'un atout: elle les répète sur son tracteur pendant les longs travaux de déchaumage et de labour. Dans sa cabine, personne ne la dérange! Pour rester ancrée dans le monde agricole, Adélie est administratrice stagiaire de la coopérative Valfrance et fait partie du comité Agriconfiance.

Autre satisfaction: le prix Chambiges, décerné en 2007 par le conseil général de l'Oise pour son bâtiment agricole qui concilie exigences environnementalles et bonnes conditions de travail.

Entre les répétitions, la mémorisation des répliques, son métier d'agricultrice, les réunions à la coopérative et les exigences liées à sa vie de famille, la jeune femme gère un emploi du temps serré. Elle constate: «J'ai de la chance de pouvoir jouer souvent, bien plus que certains intermittents du spectacle». Mais pour rien au monde, elle n'abandonnerait son métier d'agricultrice qui la passionne de plus en plus. Adélie avoue puiser son énergie dans ce contact permanent avec la nature.

par Claude Lux